Lettre à Guillaume Auguste Lamey, 24 juin 1859

  • Cote de la lettre ED-IN-1859-JUIN-24-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Guillaume-Auguste LAMEY
  • Date 24 Juin 1859
  • Lieux de conservation Paris, bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet
  • Éditions précédentes Joubin, Correspondance générale, 1936-38
    , t. IV, p. 108-110.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 3
  • Présence d’un croquis Non
  • Dimension en cm 20,8x26,4
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque Ms. 238 pièce 48
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Transcription modernisée

 

Ce 24 juin 1859

Mon cher et bon cousin,

 

Votre dernière lettre m’a fait un double plaisir : d’abord elle me donnait de bonnes nouvelles de vous ; ensuite elle me tirait de l’inquiétude où j’étais que la communication que je vous avais faite de la lettre de M. de Courcelle ne vous eût causé une trop grande contrariété1. Je vois que vous avez saisi dans sa lettre ce point de vue moderne qui hait les développements et ne vise qu’à l’effet. On sait combien les jugements sont différents même sur des ouvrages qui paraissaient consacrés, à raison de l’époque où ils sont faits ou des passions qui dictent ces jugements.

Je suis heureux que vous ayez pris la distraction que vous a donnée l’invitation du maire de Colmar. Vous oublier en pareille circonstance eût été manquer à toutes les convenances ; vous êtes un des hommes dont l’Alsace doit être fière et cet hommage vous était dû entre tous. Je regrette que vous n’ayez pas en même temps fait votre visite à Munster : je doute qu’il nous soit possible d’y aller ensemble. Quelques nuages entre l’un des Hartmann et moi seraient cause de mon abstention de me présenter chez eux2 : je vous conterai cela et j’espère que nous trouverons des moyens de nous dédommager. J’attends avec bien de l’impatience le moment de notre réunion. Le travail qui m’empêche qu’elle n’ait lieu plus tôt est dans un état très satisfaisant3. Il importe beaucoup pour moi que je le termine bientôt. Je vous arriverai avec l’esprit plus débarrassé de soucis.

Nos chers Prussiens prennent une attitude bien inquiétante pour leurs provinces du Rhin4. Il est probable que vos voisins les Rhénans doivent se demander déjà à qui ils doivent préparer des arcs de triomphe.

Adieu, cher et bon cousin : maintenez-vous bien et croyez à mon bien sincère et bien profond attachement.

Eugène Delacroix

Jenny vous adresse ses respectueux remerciements du souvenir que vous voulez bien avoir d’elle.


1 Voir à ce sujet les notes 1 et 2 de la lettre du 11 juin 1859.
2 Jacques Félix Frédéric Hartmann (1822 - 1880), industriel de Munster, fut un grand collectionneur d’art. Maire de la ville à partir de 1857, il fut très actif dans divers domaines (enseignement, laïcité, améliorations de la vie des ouvriers, construction et restauration de lieux de cultes etc.). Collectionneur d’art averti, il se constitua une riche galerie de tableaux de Delacroix (Un lion dans la montagne, Le Sultan du Maroc), de Rousseau (Le four communal dans les Landes, La Ferme dans les Landes, Le Village de Becquigny) et de Millet (Les Meules (été), Les batteurs de Sarrazin (automne), Le Printemps (L’Arc-en-ciel). Hartmann avait initialement commandé en décembre 1855 à Delacroix, une décoration pour son salon intitulée les Quatre Saisons. Cette commande fut annulée puis réinstaurée mais  finalement restée inachevée par l’artiste. A la mort de Delacroix en 1863, les esquisses des Quatre Saisons ont été retrouvées. En 1868, cette commande échoît à Jean-François Millet (Journal, éd. Hannoosh, t. II, p. 2221-2222).
3 La chapelle des Saints-Anges de l’église Saint-Sulpice.
4 La menace d’intervention en faveur de l’Autriche.

 

Transcription originale

Page 1

 

Ce 24 juin 1859.

Mon cher et bon cousin,

 

Votre derniere lettre m’a
fait un double plaisir : d’abord
elle me donnait de bonnes nou-
-velles de vous : ensuite elle me
tirait de l’inquietude où j’etais
que la communication que je vous
avais faite de la lettre de Mr
de Courcelle, ne vous eut causé une
trop grande contrarieté. Je vois
que vous avez saisi dans sa lettre
ce point de vue moderne qui
hait les developpemens et ne vise
qu’à l’effet. On scait [mot interlinéaire] [mot barré illisible] combien le
jugemens sont differents même [mot interlinéaire] sur des
ouvrages qui paraissaient consacrés,
à raison de l’epoque où ils sont faits
ou des passions qui [mot barré illisible] dictent ces jugements. [2 mots interlinéaires]

Je suis

 

Page 2

 

heureux que vous ayez pris la
distraction que vous a donné
l’invitation du maire de Colmar.
Vous oublier en pareille circonstance
eût eté manquer à toutes les conve-
-nances ; vous etes un des hommes
dont l’Alsace doit être fière et
cet hommage vous etait du
entre tous. Je regrette que vous n’ayez
pas en même temps fait votre
visite à Munster : je doute qu’il
nous soit possible d’y aller ensemble.
quelques nuages entre l’un des
Hartmann et moi seraient cause de
mon abstention de me presenter
chez eux : je vous conterai cela et
j’espere que nous trouverons des
moyens de nous dédommager. J’attends
avec bien de l’impatience le moment [mot interlinéaire] [mot barré illisible] de
notre réunion. Le travail qui m’em-
-pêche qu’elle n’ait lieu plutot, est
dans un etat très satisfaisant. Il

 

Page 3

 

importe beaucoup pour moi que
je le termine bientot. Je vous ar-
-riverai avec l’esprit plus debarrassé
de soucis.

Nos chers Prussiens prennent
une attitude bien inquietante
pour leurs provinces du Rhin. Il est
probable que vos voisins les Rhénans
doivent se demander deja à qui
ils doivent préparer des arcs de
triomphe.

Adieu cher et bon cousin :
maintenez vous bien et croyez à
mon bien sincere et bien profond
attachement.

EugDelacroix

Jenny vous adresse ses respectueux
remerciements du souvenir que vous
voulez bien avoir d’elle.

 

 

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