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Le projet

L’édition électronique de la Correspondance de Delacroix

L’Agence nationale de la recherche a accordé, à l’automne 2006, un financement conséquent destiné à une nouvelle édition, électronique, de la Correspondance de Delacroix. Ce projet est depuis entré dans une phase active.

Tous les spécialistes, et les amateurs de Delacroix, savent la dette qu’ils ont envers André Joubin, qui leur a procuré, entre 1931 et 1938, une édition commode du Journal et de la Correspondance faisant encore aujourd’hui autorité. Il n’en reste pas moins que ces dernières années s’était manifestée de plus en plus la nécessité d’une nouvelle édition de ces textes majeurs, répondant aux critères scientifiques actuels, plus exigeants que les siens, ou à tout le moins différents. Le retour aux originaux s’impose, pour vérifier ses lectures et plus généralement son travail d’éditeur, et mesurer ainsi plus précisément comment Delacroix écrivait, ou comment il mêlait écriture et dessin. De même en ce qui concerne l’annotation, qui devait être entièrement reprise. Par exemple, qui est exactement tel ou tel, à qui Delacroix écrit-il ou fait-il allusion ? De quelles œuvres parle-t-il précisément ? Qu’en sait-on aujourd’hui ? Aussi fallait-il envisager une double perspective : d’éditeur d’abord, pour reprendre, améliorer ou simplement compléter ce qu’a fait Joubin (de nombreux originaux étant réapparus depuis, et la quête continue), d’annotateur ensuite. Editer la correspondance de Delacroix pose plusieurs problèmes différents du Journal, l’autre grand écrit de l’artiste. Au contraire du manuscrit de celui-ci, presque entièrement conservé à la Bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art – fonds Doucet (l’ancienne Bibliothèque d’art et d’archéologie dont Joubin fut le conservateur) -, les lettres de Delacroix sont en effet dispersées dans de multiples collections publiques ou privées, avec néanmoins quatre fonds principaux, tous parisien : la BINHA, la Bibliothèque centrale des musées nationaux, la fondation Custodia (Institut néerlandais) et bien entendu le musée Delacroix. Le corpus ne cesse de s’en agrandir, que ce soit par la circulation de lettres inédites chez les marchands ou en vente publique, qui n’apparaissent que furtivement, ou par la réapparition de fonds plus constitués, à leur tour dispersés ou acquis en bloc par telle ou telle institution, ces dernières années ayant vu ainsi revenir au jour les lettres conservées dans les archives de Piron, l’ami et exécuteur testamentaire de Delacroix , ou celles rassemblées par le critique et collectionneur Claude Roger-Marx. Beaucoup de lettres sont ainsi dispersées en province ou à l’étranger, dans des fonds publics ou privés.

Le projet retenu et validé par l’Agence national de la recherche visait à rassembler tous les chercheurs intéressés par une entreprise nécessairement collective et pluridisciplinaire, aux historiens de l’art s’ajoutant notamment ceux de la littérature ou de la musique pour rendre compte des intérêts multiples de Delacroix. La coordination en fut assurée par le centre André Chastel, unité mixte du CNRS et le l’université de Paris-Sorbonne, Paris IV, qui exerce la direction du projet retenu par l’Agence nationale de la recherche et le musée Delacroix. Trois grandes étapes étaient prévues : le recensement des manuscrits existants et leur photographie. Ensuite leur transcription, sous deux formes, avec respect de l’orthographe et de la mise en page originale, et sous une forme modernisée, plus accessible au grand public, et enfin leur annotation. Un comité de direction, Barthélémy Jobert pour le centre André Chastel, Christophe Leribault et Arlette Sérullaz pour le musée Delacroix, a établi un plan de travail pour chaque fonds. Les photographies et les transcriptions des lettres ont été mises à disposition sur le web, au fur et à mesure de leur achèvement. La transcription annotée d’une lettre est rendue disponible après l’accord du comité de direction, mais elle sera susceptible d’évoluer. On eut interroger en mode texte cette version annotée de la correspondance, qui est disponible en ligne comme les photographies des manuscrits, et les différentes transcriptions effectuées d’après les originaux, sur le modèle de la base de données actuellement sur le site du musée Delacroix , recensant toutes ses œuvres passées en vente depuis son décès, grâce au recensement et à l’indexation des catalogues de vente entreprise par le musée depuis plusieurs années, version annotée complète, au terme du projet, fixé à l’échéance de trois ans (2010).

Ce projet d’édition électronique comportait plusieurs phases, mises successivement et parallèlement en œuvre. La première consistait à établir un fichier précis de toutes les lettres aujourd’hui connues de Delacroix (ainsi que de celles qui lui ont été adressées). La deuxième voie consistait à répertorier les lettres encore en mains privées grâce à un dépouillement des catalogues de vente d’autographes. On disposa pour ce faire de l’aide précieuse de Thierry Bodin, récent éditeur de nouvelles lettres de George Sand, spécialiste du XIXe siècle, qui a fait bénéficier l’équipe de son fichier. Au terme de cette étape, on put ainsi répertorier l’essentiel de la correspondance actuellement connue de Delacroix, qu’elle soit ou non accessible. La base de donnée ainsi constituée, qui donne à la fois la source, la localisation et un court résumé de chaque lettre, fut la première partie du projet à être mise en ligne. Commença alors la seconde étape, c’est à dire l’édition proprement dite et sa mise en ligne. Il était prévu, dans un premier temps, de se concentrer sur le fonds du musée Delacroix, dont Arlette Sérullaz avait déjà entrepris une analyse approfondie dans le cadre de la prochaine publication du catalogue des collections du musée Delacroix. Ce fonds devait être mis en ligne en même temps ou peu après le répertoire de la correspondance. Sont ensuite venus les autres fonds parisiens, puis les autres fonds répertoriés et enfin les lettres isolées. Si la transcription constituait la première étape, nécessaire, du travail, l’annotation était tout aussi essentielle. L’une comme l’autre, grâce à la mise en ligne, seront toujours susceptibles de modifications et d’ajouts. Elles sont véritablement collectives, les notes d’une même lettre pouvant par exemple être dues à différents auteurs, selon leur spécialité, leurs intérêts, les renseignements dont ils ont pu disposer.

La visibilité du projet est désormais établie. Mais d’ores et déjà, nous invitons toutes les personnes intéressées à contacter le centre André Chastel ou le musée Delacroix, et au premier chef les détenteurs des lettres, connues et inconnues.

 

Barthélémy Jobert.