Lettre à Guillaume Auguste Lamey, 25 juin 1860

  • Cote de la lettre ED-IN-1860-JUIN-25-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Guillaume-Auguste LAMEY
  • Date 25 Juin 1860
  • Lieux de conservation Paris, bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet
  • Éditions précédentes Joubin, Correspondance générale, 1936-38
    , t. IV, p. 184-185.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 3
  • Présence d’un croquis Non
  • Dimension en cm 20,7x26,4
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque Ms. 238 pièce 69
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Transcription modernisée

 

Ce 25 juin 1860

Cher cousin et respectueux ami,

 

Votre lettre, que j’attendais avec impatience, m’a fait beaucoup de plaisir en me rassurant sur les inconvénients que pouvait avoir pour vous votre retour1. Quelle chose admirable, et dont il faut bénir le ciel, que vous puissiez sans grandes fatigues supporter des allées et venues si considérables : votre santé est bonne, puisque vous ne m’en parlez pas.

Votre lettre est du 21 ; c’est ce jour même que j’allais m’installer à Saint-Sulpice pour achever, s’il est possible, cette grande entreprise2 ; je dis grande quand je considère mes forces actuelles : il y a quelques années, je n’étais pas effrayé de ces efforts. J’ai un entrain admirable, supérieur peut-être à celui que j’y portais autrefois, mais je suis obligé de compter davantage avec la fatigue ; j’ai travaillé plusieurs jours, mais soit que je m’y sois rué avec trop de chaleur, soit que je me ressente encore du travail auquel je me livre depuis deux mois, j’éprouve une lassitude qui n’est peut-être en somme que l’effet du premier moment. Je vais donc y aller plus sobrement et vous en rendrai bon compte. Je suis bien aise de noter ici combien je vous suis reconnaissant de l’encouragement que vous m’avez donné.

Ma maison m’a semblé bien vide après votre départ, cher cousin. C’était une vie bien douce : d’une part la liberté que nous sommes convenus de nous accorder, et qui est nécessaire à notre tempérament à tous deux, de l’autre nos conversations sans apprêt et pleines de confiance quand nous nous réunissions, sont des choses dont on regrette vivement la privation. Pensons l’un et l’autre à notre prochaine réunion, quoiqu’elle ne doive s’effectuer que dans un an ; je me berce beaucoup de la pensée de nous voir ensemble sous les allées de Lichtental. Vous me donnerez des nouvelles de votre voyage d’outre-Rhin et des nouvelles idées que les Allemands ont pu se faire de la fameuse visite.

Je vous charge de nouveau de mes compliments pour votre entourage de tout genre et vous embrasse bien tendrement.

Eugène Delacroix

Jenny me charge de vous présenter ses très humbles respects. Je suis bien inquiet de sa santé.

 


1 Le retour de son cousin vers Strasbourg après l’avoir rencontré à Paris au début du mois de juin. Voir la lettre du 28 mai 1860.
2
Le décor de la chapelle des Saints-Anges.

 

Transcription originale

Page 1

 

Ce 25 juin 1860.

 

Cher cousin et respectable ami,

Votre lettre que j’attendais
avec impatience m’a fait beaucoup
de plaisir en me rassurant sur les
inconveniens que pouvaient avoir
pour vous votre retour : quelle chose
admirable et dont il faut benir le
ciel, que vous puissiez sans grandes
fatigues, supporter des allées et venues
si considerables : votre santé est bonne
puisque vous ne m’en parlez pas.

Votre lettre est du 21 : c’est ce
jour même que j’allais m’installer
à St Sulpice pour achever s’il est possible
cette grande entreprise : je dis grande
quand je considere mes forces actuelles :
il y a quelques années, je n’etais pas
effrayé de ces efforts. J’ai un entrain
admirable, superieur peut être à celui



Page 2

 

que j’y portais autrefois : mais
je suis obligé de compter davan-
-tage avec la fatigue : j’ai travaillé
plusieurs jours, mais soit que je m’y
sois rué avec trop de chaleur, soit
que je me ressente encore du
travail auquel je me livre depuis
deux mois, j’eprouve une lassitude
qui n’est peut être en somme que
l’effet du premier moment. Je vais
donc y aller plus sobrement et vous
en rendrai bon compte. Je suis bien
aise de noter ici combien je vous [mot interlinéaire] suis
reconnaissant de l’encouragement
que vous m’avez donné.

Ma maison m’a semblé bien vide
après votre départ, cher cousin. C’etait
une vie bien douce : d’une part la
liberté que nous sommes convenus de
nous accorder, et qui est nécessaire
à notre temperament à tous deux,
de l’autre, nos conversations sans

 

Page 3

 

aprêt et pleines de confiance
quand nous nous réunissions, sont
des choses dont on regrette vivement
la privation. Pensons l’un et l’autre
à notre prochaine réunion quoiqu’elle
ne doive s’effectuer que dans un
an : je me berce beaucoup de la
pensée de nous voir ensemble
sous les allées de Lichtental. Vous
me donnerez des nouvelles de votre
voyage d’outre Rhin et des nouvelles
idees que les allemands ont pu se
faire de la fameuse [mot interlinéaire] visite.

Je vous charge de nouveau de
mes compliments pour votre entou-
-rage de tout genre et vous embrasse
bien tendrement.

EugDelacroix

Jenny me charge de vous présenter
ses très humbles respects. Je suis bien
inquiet de sa santé.

 

 

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