Lettre à Guillaume Auguste Lamey, 23 février 1860

  • Cote de la lettre ED-IN-1860-FEV-23-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Guillaume-Auguste LAMEY
  • Date 23 Février 18[60]
  • Lieux de conservation Paris, bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet
  • Éditions précédentes Joubin, Correspondance générale, 1936-38
    , t. IV, p. 154-156.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 4
  • Présence d’un croquis Non
  • Dimension en cm 20,7x26,6
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque Ms. 238 pièce 60
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Transcription modernisée

 

Ce 23 février1

Cher et bon cousin,

 

Il faut bien, quoique je n’aie rien de nouveau à vous apprendre2, vous écrire, quand ce ne serait que pour avoir de vos chères nouvelles. Quant à ma maladie3, bien que je puisse la considérer comme guérie, quant aux premiers symptômes, elle semble s’être momentanément transformée pour me faire enrager : non pas que ma réclusion me pèse le moins du monde et me donne de l’ennui : mais c’est parce qu’enfin il faut faire ses affaires et que je ne puis m’occuper au coin de mon feu des choses qui m’intéressent. Vous m’aviez donné dans votre lettre des règles de conduite bien sages et que je n’apprécie tout à fait qu’à présent, car je suis retenu justement pour ne pas m’y être conformé : une de vos recommandations était de fermer ma porte ; eh bien, au lieu de me conformer à une prescription aussi simple, j’ai reçu trop de gens qui m’ont fatigué au point que toute mon indisposition est sur la poitrine, et que j’ai pris le parti de ne voir personne. Malheureusement les froids qui sont revenus ont concordé avec cette disposition : j’attends donc encore.

J’ai pensé tout ce temps, comme vous devez le croire, et avec chagrin à l’impossibilité où je me suis trouvé de suivre l’affaire que nous avons à cœur. Je ne m’en afflige pas tant pour le retard dans mes démarches à la Légion d’honneur relativement aux pièces envoyées par M. Migneret4, que parce que mon indisposition m’empêche d’aller le soir aux réceptions de M. Delangle5, que ma vue aurait fait souvenir des bonnes dispositions qu’il m’a montrées. Je vous avoue que j’ai plus de confiance dans ce qu’il pourra faire que dans toutes les autres recommandations. Vous savez, et tout le monde me l’a répété, que leur multiplicité, eu égard aux titres de différentes natures qu’on fait valoir, disperse l’intérêt plutôt que d’aider à la réussite. Si une bonne fois M. Delangle vous adopte comme un magistrat qu’il recommande et qu’on a oublié, il n’en faudra pas davantage.

Donnez-moi de vos nouvelles sans vous décourager et gardez-vous du temps. Ce qui me rassure, c’est que les conseils de sagesse que vous donnez, vous êtes le premier à les pratiquer. Le peu que j’ai pu en prendre et en appliquer m’a été plus utile que tout ce qu’a fait mon médecin.

Je vous embrasse de cœur, mon cher et respectable ami.

Eugène Delacroix

Guillemardet, dont vous m’avez parlé, a été malade aussi et depuis longtemps : je ne peux aller le voir mais j’ai fait prendre de ses nouvelles. Jenny vous prie de vouloir bien recevoir tous ses respects. Elle me dit qu’elle sera heureuse de vous les renouveler quand vous viendrez à Paris. J’attends cette heureuse réunion avec bien de l’impatience : ce sera au moins une consolation pour tout ce que nous avons tant de peine à réaliser. N’oubliez pas que je vous mènerai respirer l’air de la forêt de Sénart à Champrosay.

 


1 Mention manuscrite postérieure en haut à gauche : "Delacroix 23 février 1860".
2 Au sujet des démarches pour la croix de la Légion d’honneur pour Guillaume-Auguste Lamey.
3 Voir la lettre du 7 janvier 1860.
4 Au sujet de Mr. Migneret, voir la lettre du 17 octobre 1859 (note 2), la lettre du 15 décembre 1859 (note 3), la lettre du 26 décembre 1859 (note 2).
5 Le ministre de la Justice. Voir la lettre du 28 décembre 1859.

Transcription originale

Page 1

 

Ce 23 février.

 

Cher et bon cousin,

Il faut bien quoique je
n’ai rien [mot interlinéaire] [mot barré illisible] de nouveau à vous apprendre,
vous ecrire, quand ce ne serait que pour
avoir de vos chères nouvelles. Quant
à ma maladie, bien que je puisse la
considerer comme guerie, quant aux
premiers symptômes, elle semble s’etre
momentanement transformée pour me
faire enrager : non pas que ma reclusion
me pèse le moins du monde et me
donne de l’ennui : mais c’est parcequ’enfin
il faut faire ses affaires et que je ne
puis m’occuper au coin de mon feu
des choses qui m’interessent. Vous m’aviez
donné dans votre lettre des regles de
conduites bien sages et que je n’appré-
-cie tout a fait qu’à présent, car je suis
retenu justement pour ne pas m’y etre
conformé : une de vos recommandations
etait de fermer ma porte ; eh bien, au lieu

Page 2

 

de me conformer à une prescription
aussi simple, j’ai reçu trop de gens
qui m’ont fatigué au point que toute
mon indisposition est sur la poitrine,
et que j’ai pris le parti de ne voir
personne. Malheureusement les froids
qui sont revenus ont concordé avec
cette [mot barré illisible] disposition : j’attends donc
encore.

J’ai pensé tout ce temps comme
vous devez le croire et avec chagrin à
l’impossibilité où je me suis trouvé
de suivre l’affaire que nous avons à cœur.
Je ne m’en afflige pas tant pour le
retard dans mes démarches à la légion
d’honneur relativement aux pieces en-
-voyées par M. Migneret, que parceque
mon indisposition m’empêche d’aller
le soir aux receptions de Mr Delangle,
que ma vue aurait fait souvenir des
bonnes dispositions qu’il m’a montrées.
Je vous avoue que j’ai plus de confiance
dans ce qu’il pourra faire que dans toutes
les autres recommandations. Vous

 

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savez et tout le monde me l’a repeté,
que leur multiplicité, eu egard aux
titres de differente nature qu’on fait
valoir, disperse l’interet plutot que d’ai-
-der à la réussite. Si une bonne fois
Mr Delangle vous adopte comme un
magistrat qu’il recommande et qu’on
a oublié, il n’en faudra pas davantage.

Donnez moi de vos nouvelles
sans vous décourager et gardez vous
du temps. Ce qui me rassure, c’est
que les conseils de sagesse que vous don-
-nez, vous êtes le premier à les pratiquer
Le [mot barré illisible] peu [mot interlinéaire] que j’ai pu en prendre et en
appliquer m’a eté plus utile que tout
ce qu’a fait mon medecin.

Je vous embrasse de cœur
mon cher et respectable ami.

EugDelacroix

Guillemardet dont vous m’avez parlé
a eté malade aussi et depuis longtemps :
je ne peux aller le voir mais j’ai fait prendre
de ses nouvelles. Jenny vous prie de

 

Page 4

 

vouloir bien recevoir tous ces respects.
Elle me dit qu’elle sera heureuse de
vous les renouveller quand vous viendrez
à Paris. J’attends cette heureuse reu-
-nion avec bien de l’impatience : ce
sera au moins une consolation
pour tout ce que nous avons tant de
peine à réaliser. N’oubliez pas que
je vous menerai respirer l’air de
la forêt de Senart à Champrosay.

 

 

 

 

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