Lettre à Guillaume Auguste Lamey, 6 juillet 1858

  • Cote de la lettre ED-IN-1858-JUIL-06-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Guillaume-Auguste LAMEY
  • Date 06 Juillet 1858
  • Lieux de conservation Paris, bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet
  • Éditions précédentes Joubin, Correspondance générale, 1936-38
    , t. IV, p. 36-37.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 3
  • Présence d’un croquis Non
  • Dimension en cm 20,5x26,2
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque Ms. 238 pièce 40
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Transcription modernisée

Ce 6 juillet 1858

 

Hélas, bon cousin, je suis toujours sur le flanc. Mon maudit mal de gorge ne m’a pas encore quitté. Dans l’oisiveté où je me tiens pour obéir à nos fameux principes, vous jugez que votre bonne lettre m’a fait grand plaisir : l’assurance que vous vous remettez de vos fatigues me console de mes petits maux et les conseils qu’elle contient pour mon hygiène mériteraient d’être gravés en lettres d’or. Je vais travailler de mon mieux à modifier mon régime : j’ai déjà éprouvé combien le repos est efficace, mais cela ne suffit pas, il faut y joindre une bonne administration de l’estomac. Vous êtes bien heureux de l’avoir bon : vous êtes comme les gens naturellement vertueux : vous n’avez pas à résister à des penchants pervers pour continuer à l’être. Moi au contraire, avec un estomac qui a toujours été mal constitué, il faut que je tienne continuellement la bride à son dérèglement et je n’y parviens pas.

La solitude où m’a laissé votre départ a agrandi encore mon logement et a surtout rendu mes journées plus interminables1. N’ayant pas mon travail ou la présence d’un ami pour remplir mes moments, je regarde à tout instant la pendule : je suis effrayé de voir combien est longue dans le détail cette vie, qui est effectivement si courte dans son ensemble. Vous savez la remplir en sage, même dans les moments où vous laissez votre esprit se reposer comme votre corps. Cette recette vaut bien celle des 10 p. cent, pour faire vivre longtemps.

Adieu, cher cousin. Écrivez-moi de temps en temps : je vous répondrai fidèlement, et jouissez bien du calme bonheur que vous méritez si bien.

Votre sincèrement dévoué et affectionné,

Eugène Delacroix

Jenny vous prie d’agréer ses très humbles respects.

 

 


1 Delacroix note dans son journal le 24 juin 1858 : "Départ du bon cousin. Je suis tout triste du vide qu’il me laisse" (Journal, éd. Hannoosh, t. II, p. 1245).

 

 

Transcription originale

Page 1

 

Ce 6 juillet 1858.

 

Helas, bon cousin, je suis tou-
-jours sur le flanc. Mon maudit
mal de gorge ne m’a pas encore
quitté. Dans l’oisiveté où je me
tiens pour obeir à nos fameux
principes, vous jugez que votre bonne
lettre m’a fait grand plaisir : L’as-
-surance que vous vous remettez
de vos fatigues me console de mes
petits maux et les conseils qu’elle
contient pour mon hygiène meri-
-teraient d’etre gravés en lettres
d’or. Je vais travailler de mon
mieux à modifier mon régime :
j’ai deja eprouvé combien le repos
est efficace, mais cela ne suffit pas,
il faut y joindre une bonne ad-

 

Page 2

-ministration de l’estomac. Vous
êtes bien heureux de l’avoir bon : vous
etes comme les gens naturellement
vertueux : vous n’avez pas à resister
à des penchans pervers pour conti-
-nuer à l’etre. Moi au contraire,
avec un estomac qui a toujours
eté mal constitué, il faut que
je tienne continuellement la
bride à son déreglement et je
n’y parviens pas.

La solitude où m’a laissé
votre depart a aggrandi encore
mon logement et a surtout
rendu mes journées plus intermi-
-nables. N’ayant pas mon travail
ou la présence d’un ami pour remplir
mes moments, je regarde a tout
instant la pendule : je suis effrayé
de voir combien est longue dans le

 

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détail, cette vie qui est effecti-
-vement si courte dans son
ensemble. Vous savez la remplir
en sage, même dans les moments
où vous laissez votre esprit se
reposer comme votre corps. Cette
recette vaut bien celle des 10 pcent,
pour faire vivre longtemps.

Adieu cher cousin. ecrivez moi
de temps en temps : je vous
répondrai fidelement et jouissez
bien du calme bonheur que vous
meritez si bien.

Votre sincèrement devoué
et affectionné

EugDelacroix

Jenny vous prie d’agreer ses
très humbles respects.

 

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