Lettre à Guillaume-Auguste Lamey, 30 mars 1858

  • Cote de la lettre ED-IN-1858-MAR-30-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Guillaume-Auguste LAMEY
  • Date 30 Mars 1858
  • Lieux de conservation Paris, bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet
  • Éditions précédentes Joubin, Correspondance générale, 1936-38
    , t. IV, p. 25-26.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 3
  • Présence d’un croquis Non
  • Dimension en cm 20,5x26,2
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque Ms. 238 pièce 36
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Transcription modernisée

 

Ce 30 mars 1858

 

Cher et bon cousin, votre lettre si aimable me fait rougir de ne vous avoir pas écrit plus tôt : croyez cependant que je ne fais pas de cérémonies avec vous et que je n’attends nullement votre réponse pour prendre la plume à mon tour : mais malheureusement mes résolutions se détruisent souvent l’une l’autre et quelquefois ce sont les meilleures qui s’envolent. Je pense bien souvent à vous et voudrais vous écrire de même : l’habitude de remettre au lendemain, qui est chez moi le résultat de la mauvaise santé plus que de ma légèreté naturelle, est la grande cause de mes négligences.

Mon Hermitage me plait de plus en plus1 : quoique j’aie été encore souffrant depuis que je vous ai écrit, j’ai pu jouir déjà de mon jardinet, qui est malheureusement un peu en retard à cause de ce beau temps désespérant, qui retient la verdure toute prête à paraître. Voilà le temps que j’aurais voulu quand vous serez ici et je crains au contraire que les pluies ne lui succèdent avec usure. Quoiqu’il en soit, vous me trouverez, j’espère, assez bien établi : je travaille, je m’efforce de terminer les tableaux que ma maladie m’a forcé de suspendre. Presque tous ceux que vous avez vus sur le chevalet il y a deux ans y sont encore : vous voyez combien je suis arriéré ; peut-être même en trouverez-vous encore quelques-uns qui n’auront pas pris leur volée.

Je me réjouis bien d’avance de vous posséder, cher cousin. Nous en avons bien parlé avec Guillemardet, qui est bien sensible à votre souvenir. Le pâté était excellent2 : nous l’avons entamé à nous deux seulement en buvant à votre santé : bientôt nous serons trois tête à tête pour fêter votre arrivée à Paris. Le quartier sera plus commode, je crois, pour une foule de promenades variées et, par-dessus tout, point de montagne à gravir pour rentrer à la maison3.

Je vous embrasse bien, cher cousin, en attendant le plaisir que je me promets, et vous envoie déjà mes plus tendres amitiés.

 

Eugène Delacroix

 

Jenny vous prie de vouloir bien agréer ses plus humbles respects : elle sera bien heureuse de vous remercier elle-même de votre souvenir.

 


1 L’artiste habite 6, rue Furstenberg à Paris depuis la fin du mois de décembre 1857.
2 Cadeau envoyé par son cousin.
3 Il évoque la montagne de Montmartre quand il habitait rue Notre Dame de Lorette.

 

Transcription originale

Page 1

Ce 30 mars
1858

 

Cher et bon cousin, votre lettre
si aimable me fait rougir de ne vous
avoir pas ecrit plutot : croyez cependant
que je ne fais pas de ceremonies avec vous
et que je n’attends nullement votre
reponse pour prendre la plume à mon tour :
mais malheureusement mes resolutions
se detruisent souvent l’une l’autre et
quelquefois ce sont les meilleures qui
s’envolent. Je pense bien souvent à vous et
voudrais vous ecrire de même : l’habi-
-tude de remettre au lendemain qui
est chez moi le résultat de la mauvaise
santé plus que de ma legereté naturelle,
est la grande cause de mes négligences.

mon hermitage me plait de plus
en plus : quoique j’aie eté encore souf-
-frant depuis que je vous ai ecrit, j’ai
pu jouir deja de mon jardinet qui
est malheureusement un peu en retard
à cause de ce beau temps desesperant qui

 

Page 2

retient la verdure toute prête à
paraître. Voila le temps que j’aurais
voulu quand vous serez ici et
je crains au contraire que les pluies
ne lui succèdent avec usure.
Quoiqu’il en soit vous me trouverez
j’espere assez bien etabli : je travaille
je m’efforce de terminer les tableaux
que ma maladie m’a forcé de
suspendre. Presque tous ceux que vous
avez vus sur le chevalet il y a deux
ans, y sont encore : vous voyez combien
je suis arrieré ; Peut etre même en
trouverez vous encore quelques uns qui
n’auront pas pris leur volée.

Je me rejouis bien d’avance de
vous posseder, cher cousin. nous en
avons bien parlé avec Guillemardet qui
est bien sensible à votre souvenir. Le pâté
etait excellent : nous l’avons entamé à
nous deux seulement en buvant à votre
santé : bientot nous serons trois
tête à tête pour fêter votre arrivée à
Paris. Le quartier sera plus commode

 

Page 3

je crois pour une foule de promenades
variées et par dessus tout, point de
montagne à gravir pour rentrer à la
maison.

Je vous embrasse bien, cher cousin
en attendant le plaisir que je me
promets et vous envoie deja mes plus
tendres amitiés.

 

EugDelacroix

 

Jenny vous prie de vouloir bien
agreer ses plus humbles respects : elle
sera bien heureuse de vous remercier
elle même de votre souvenir.

 

 

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