Lettre à Guillaume Auguste Lamey, 27 septembre 1857

  • Cote de la lettre ED-IN-1857-SEPT-27-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Guillaume-Auguste LAMEY
  • Date 27 Septembre 1857
  • Lieux de conservation Paris, bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet
  • Éditions précédentes Joubin, Correspondance générale, 1936-38
    , t. III, p. 411-413.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 4
  • Présence d’un croquis Non
  • Dimension en cm 20,5x26,4
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque Ms. 238 pièce 33
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Transcription modernisée

 

Ce 27 septembre 1857

 

Cher et bon cousin,

Si je réponds si tard à votre lettre, c’est que j’ai attendu longtemps les renseignements que j’ai à vous donner sur le placement en viager que vous voulez faire. J’ai consulté plusieurs personnes et même j’attends encore un dernier avis que je vous transmettrai s’il me paraît en valoir la peine. Jusqu’ici, voici le résumé des renseignements que m’a fournis M. Piron, administrateur des Postes, lequel est mon plus ancien ami et est lié avec plusieurs hommes de finances.

Il me parle d’abord des placements sur particuliers. On trouverait de ce côté des intérêts assez passables, mais vous retombez dans les hypothèques et dans mille incertitudes. Je crois du reste que nous étions convenus que les compagnies seules avaient plus de raison d’inspirer la confiance, quoiqu’elles ne soient point garanties par l’État. Mais on a la garantie des bénéfices déjà faits par ces sociétés, celle des immeubles qu’elles possèdent et des hommes qui les gèrent. Ce sont ces compagnies que mon ami préférerait.

Il y a à Paris deux sociétés semblables, la Compagnie d’assurances générales et la Nationale (qui est l’ancienne Compagnie d’assurance royale). Celle-ci est gérée par des noms tels que Rothschild, Hottinger, Delessert, etc., etc., rue de Ménars 3.

C’est vers celle-ci que penche mon ami et ce serait aussi mon opinion de s’y fier. Quant à la Compagnie anglaise, je vous avoue qu’avec la tournure que prennent les affaires de l’Angleterre, indépendamment de l’inconvénient d’avoir affaire à des étrangers, j’y renoncerais pour ma part. Je vais m’informer à la compagnie même pour savoir s’ils ont une succursale à Strasbourg, ce qui est probable, et aussi pour avoir une copie des statuts, que je vous enverrai immédiatement.

Maintenant que je me suis occupé d’affaires avec vous, je vais passer à la poésie. Je suis heureux de vous dire combien j’ai vu avec plaisir l’article de M. Martin, qui au moins vous donne une part de ce que vous méritez1. Il est bien à regretter que la plupart des pièces de votre recueil ne soient pas traduites de la sorte. Au reste, les trois pièces choisies me plaisent beaucoup : j’aime surtout la dernière : dois-je l’attribuer à mon peu de sympathie pour la génération présente, si froide, si occupée d’intérêts matériels ? En somme, vive la Revue française et l’aimable rédacteur.

Je suis bien fâché que vous n’ayez pas retrouvé la pauvre canne qui s’est perdue si singulièrement2. Quant à l’anneau, je le conserverai toujours, j’espère, et la pauvre Jenny a été bien heureuse et bien reconnaissante de la petite croix. Elle me charge de vous offrir ses respects et ses remerciements du souvenir que vous lui avez donné.

Vous me félicitez de pouvoir travailler, malheureusement il n’en est rien. Quoique j’aille bien, je ne suis pas encore remis tout à fait. Le travail de l’esprit demande un homme tout entier.

Je vous embrasse, cher cousin, et vous envoie de nouveau l’assurance de mon sincère attachement.

 

Eugène Delacroix

 


1Article sur le recueil de Poésies écrit par son cousin.
2 Voir à ce sujet la note 1 de la lettre du 3 septembre 1857.

 

 

Transcription originale

Page 1

 

Ce 27 7bre 1857.

 

Cher et bon cousin,

 

Si je réponds si tard à
votre lettre, c’est que j’ai attendu long-
-temps les renseignements que j’ai à vous
donner sur le placement en viager que
vous voulez faire. J’ai consulté plusieurs
personnes et même j’attends encore un
dernier avis que je vous transmettrai
s’il me parait en valoir la peine. Jusqu’ici
voici le résumé des renseignements que
m’a fournis M. Piron, administrateur des
postes, lequel est mon plus ancien ami
et est lié avec plusieurs hommes de
finances.

Il me parle d’abord des placements
sur particuliers. On trouverait de ce
coté des interets assez passables, mais
vous retombez dans les hypotheques et
dans mille incertitudes. Je crois du
reste que nous etions convenus que les

 

Page 2

 

Compagnies seules avaient plus
de raison d’inspirer la confiance, quoiqu’
elles ne soient point garanties par
l’etat. Mais on a [mot barré illisible] la garantie
des benefices deja faits par ces [mot interlinéaire] [mot barré illisible]
societés, celle des immeubles qu’elles
possedent et des hommes qui les
gèrent. Ce sont ces compagnies que
mon ami prefererait.

Il y a à Paris deux societés sem-
-blables la Compagnie d’assurances
generales
et la nationale (qui
est l’ancienne compagnie d’assurance
royale
. Celle ci est gerée par des
noms tels que Rothschild, Hottinger
Delessert etc. etc. rue de Menars 3
C’est vers celle ci que penche
mon ami et ce serait aussi mon opini-
-on de s’y fier. Quant à la compagnie
Anglaise, je vous avoue qu’avec la
tournure que prennent les affaires de

 

Page 3

 

l’angleterre, indépendamment de
l’inconvénient d’avoir affaire à des
etrangers, j’y renoncerais pour ma
part. Je vais m’informer à la
Compagnie même pour savoir s’ils ont
une succursale à Strasbourg, ce qui
est probable et aussi pour avoir une
copie des statuts que je vous en-
-verrai immediatement.

Maintenant que je me suis oc-
-cupé d’affaires avec vous, je vais
passer à la poësie. Je suis heureux de
vous dire combien j’ai vu avec plaisir
l’article de M. Martin, qui au moins
vous donne une part de ce que
vous meritez. Il est bien à regretter
que la plupart des pièces de votre
recueil ne soient [mot interlinéaire] [mot barré illisible] pas traduites de la
sorte. Au reste les trois pièces choisies
me plaisent beaucoup : j’aime surtout
la derniere : dois je l’attribuer à mon

 

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peu de sympathie pour la generation
présente si froide, si occupée d’in-
-terets materiels ? en somme vive
la revue française et l’aimable rédac-
-teur.

Je suis bien faché que vous n’ayez
pas retrouvé la pauvre canne qui
s’est perdue si singulièrement. Quant
à l’anneau je le conserverai toujours
j’espere et la pauvre Jenny a eté bien
heureuse et bien reconnaissante de
la petite croix. Elle me charge de vous
offrir ses respects et ses remerciements du
souvenir que vous lui avez donné.

Vous me felicitez de pouvoir travailler
malheureusement il n’en est rien. quoique
j’aille bien, je ne suis pas encore remis
tout à fait. Le travail de l’esprit demande
un homme tout entier.

Je vous embrasse, cher cousin et
vous envoie de nouveau l’assurance de
mon sincère attachement.

EugDelacroix

 

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