Lettre à Pierre-Antoine Berryer, 04 décembre 1860

  • Cote de la lettre ED-MD-1860-DEC-04-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Pierre-Antoine BERRYER
  • Date 04 Décembre 1860
  • Lieux de conservation Paris, musée Eugène Delacroix
  • Éditions précédentes Lacombe, 1885, p. 65 (partiellement); Joubin, Corr. gén, t. IV, p. 218 (idem).
  • Historique Acquise par le service des bibliothèques et des archives des musées nationaux avec la participation de la Société des Amis d’Eugène Delacroix auprès de la librairie Les Autographes, février 1992.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 2
  • Présence d’un croquis Non
  • Format in - 8°
  • Dimension en cm 20,7x26,2
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque LA 31631/114
  • Données matérielles pliée en 3
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Transcription modernisée

Ce 4 décembre 1860

Mon cher cousin,

J’ai bien regretté de manquer votre bonne visite. On vous a dit sans doute où j’étais : où je suis tous les jours c’est-à-dire à mon travail, très colossale entreprise qui pourra s’achever dans peu si le ciel me favorise encore comme il a fait depuis trois mois1. Auriez-vous cru qu’il fut possible à un homme aussi difficile à remuer que moi, de se lever pendant deux mois et demi à 5h du matin pour aller à travers la boue et le froid gagner un chemin de fer, pour aller s’enfermer quatre ou cinq heures dans ses échafauds et ses peintures2. Voilà le régime qui m’a donné de la santé et de plus me permet d’espérer d’avoir fini dans six semaines malgré l’obscurité du jour. Pour cela je suis un régime sévère : point de dîner en ville et se coucher de bonne heure3. Si vous dîniez souvent chez vous, j’irais vous surprendre sortant de table, pour vous embrasser : le matin, les jours sont si courts que j’entamerais trop ma journée. Si je suis libre comme je m’en flatte, sauf maladie, vers le milieu de janvier4, quel bonheur de vous revoir le front levé : car il fallait gagner ma gageure après vous avoir refusé cet automne si à contrecœur. Pardonnez-moi donc encore jusque là et recevez les plus tendres respects.

Eug. Delacroix


1 Delacroix avait été chargé en 1849 de décorer la chapelle des Saints-Anges à l’église Saint-Sulpice. Il y retravaillait avec ardeur depuis plusieurs mois.
2 Delacroix reprend ici les termes de la lettre qu’il avait écrite à Berryer le 14 octobre (Paris, musée Eugène Delacroix, LA 31631/112).
3 Dans une lettre adressée à Auguste Lamey le 26 décembre 1860, Delacroix confie ne voir personne : « ni soirées, ni dîners, ni visites » (Paris, Bibliothèque de l’INHA, collections Jacques Doucet, inv. Ms 238 (72) ; Joubin, Corr. Gén, t. IV, p. 220-221).
4 En fait, à la mi-janvier 1861, Delacroix n’avait pas terminé (cf. lettre à Berryer du 15 janvier 1861 ; Paris, musée Eugène Delacroix, LA 31631/116).

 

 

Transcription originale

Page 1

Ce 4 Decembre 1860.

Mon cher cousin,

J’ai bien regretté de
manquer votre bonne visite : on
vous a dit sans doute où j’etais : où
je suis tous les jours c’est à dire à
mon travail, tres colossale entreprise
qui pourra s’achever dans peu si le
ciel me favorise encore comme il
a fait depuis trois mois. Auriez vous
cru qu’il fut possible à un homme
aussi difficile à remuer que moi, de
se lever pendant deux mois et demi
a 5h du matin pour aller a travers
la boue et le froid gagner un chemin
de fer, pour aller s’enfermer quatre
ou cinq heures dans ses echaffauds
et ses peintures : voila le regime qui

 

Page 2

 

m’a donné de la santé et de plus
me permet d’esperer d’avoir
fini dans six semaines malgré
l’obscurité du jour. Pour cela
je suis un regime severe : point
de diner en ville et se coucher
de bonne heure. Si vous diniez
souvent chez vous, j’irais vous
surprendre sortant de table, pour
vous embrasser : le matin, les jours
sont si courts que j’entamerais trop
ma journée. Si je suis libre com-
-me je m’en flatte, sauf maladie,
vers le milieu de janvier, quel bon-
-heur de vous revoir le front levé :
car il fallait gagner ma gageure
après vous avoir refusé cet automne
si à contrecoeur. Pardonnez moi donc
encore jusque la et recevez les plus
tendres respects.

Eug Delacroix

 

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