Lettre à Guillaume-Auguste Lamey, 12 juin 1857

  • Cote de la lettre ED-IN-1857-JUIN-12-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Guillaume-Auguste LAMEY
  • Date 12 Juin 1857
  • Lieux de conservation Paris, bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet
  • Éditions précédentes Joubin, Correspondance générale, 1936-38
    , t. III, p. 390-391.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 3
  • Présence d’un croquis Non
  • Dimension en cm 21,1x27,2
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque Ms. 238 pièce 28
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Transcription modernisée

Champrosay par Draveil, Seine-et-Oise
Ce 12 juin 1857

 

Bien cher cousin,

 

Vous n’aviez que trop bien jugé que mon silence venait de ce que ma santé était mauvaise. Je remettais toujours, pensant aller mieux. J’ai eu effectivement une espèce de rechute1, non pas avec tous les accidents : heureusement je ne tousse pas ; mais je suis d’une faiblesse extrême et une course d’un quart d’heure m’est impossible. Je suis à la campagne depuis plus de cinq semaines : la première quinzaine, j’allais très bien et je m’étais remis au travail2 ; mais des bagatelles m’ont arrêté tout net et je ne peux me remettre depuis ce temps. Vous voyez mon chagrin de ne pouvoir vous donner encore une date pour le moment de mon voyage près de vous, que j’appelle de tous mes vœux. Il se trouve une autre complication. J’ai arrêté définitivement un logement3 dans lequel j’ai énormément de changements et même de constructions à faire, et il faut que je le surveille bon gré mal gré pendant les beaux mois de l’année, afin d’activer les travaux et de faire sécher.

J’avais calculé que j’irais vous trouver dans le commencement de juillet et je n’en désespère pas encore : je vous écrirai comment je suis, avant quinze jours. Je ne sais jusqu’à quel point je pourrai me permettre une longue excursion, une fois que je serai à Strasbourg. Le voyage lui-même m’effraye un peu à cause de cet état de faiblesse qui ne veut pas me quitter ; mais dans tous les cas, cher et bon cousin, croyez bien à mon grand désir de vous embrasser. Vous me pardonnerez de vous présenter dans ma personne un malade et un muet au lieu du causeur de l’année dernière.

Je vous embrasse de nouveau de tout cœur.

Eugène Delacroix


À Champrosay par Draveil, Seine-et-Oise

 

Je me suis surtout fatigué en arrivant ici pour terminer un article que j’avais promis depuis longtemps à la Revue des Deux Mondes. C’était un peu, je vous l’avoue, pour me remettre en mémoire du sieur Buloz. J’espère qu’à défaut de M. Taillandier nous aurons un article ou [une] mention distinguée, en dehors de l’article que j’espérais qu’il ferait4. Je suis désolé de vous donner depuis si longtemps le désappointement d’attendre le bon vouloir de ces messieurs, sur lesquels on ne peut jamais compter.

 


1 Delacroix est malade depuis le début de l’année 1857. Voir la note note 2 de la lettre du 21 février 1857 et la lettre du 27 mars 1857.
2 L’artiste part pour Champrosay le 9 mai 1857.  Dès le 11 mai, il note dans son journal : " travaillé beaucoup, en rentrant [d’une promenade dans la campagne], à l’article du beau et jusqu’au dîner". L’article Des Variations du beau paraîtra le 15 juin dans la Revue des deux mondes. (Journal, éd. Hannoosh, t. I, p. 1151). Le 18 mai, il reprend la peinture après plus de quatre mois et demi de repos. Il débute le Saint Jean et Hérodiade pour Robert de Sèvres, un sujet déjà traité au plafond de la bibliothèque du palais Bourbon (Journal, éd. Hannoosh, t. I, p.1154).
3 Son logement situé 6, rue Furstemberg à Paris.
4 Le 2 juin, après être allé à Paris pour diverses affaires, il note : "J’ai été dans la journée chez Buloz porter le manuscrit [voir la note 2] : il m’a promis pour mon bon Lamey". Delacroix en profite pour rappeler à François Buloz d’insérer une chronique sur les poésies de son cousin. Voir les notes 3 et 4 de la lettre du 26 juillet 1856 pour connaître la biographie de Saint-René Taillandier et le contexte qui a conduit l’artiste à le contacter.

 

Transcription originale

Page 1

 

Champrosay par Draveil
Seine et Oise
Ce 12 juin 1857.

Bien cher cousin,

 

Vous n’aviez que trop bien
jugé que mon silence venait de ce
que ma santé etait mauvaise. Je remet-
-tais toujours pensant aller mieux. J’ai
eu effectivement une espèce de rechute
non pas avec tous les accidents : heureuse-
-ment je ne tousse pas : mais je suis d’une
faiblesse extrême et une course d’un
quart d’heure m’est impossible. Je suis
à la campagne depuis plus de cinq semaines :
la première quinzaine j’allais très bien et
je m’étais remis au travail : mais des
bagatelles m’ont arreté tout net et je
ne peux me remettre depuis ce temps.
Vous voyez mon chagrin de ne pouvoir
vous donner encore une date pour le
moment de mon voyage près de vous que
j’appele de tous mes vœux. Il se trouve

 

Page 2

une autre complication. J’ai
arreté definitivement un logement dans
lequel j’ai enormément de change-
-ments et même de constructions à
faire et il faut que je le surveille
bon gré mal gré pendant les beaux
mois de l’annee, afin d’activer les
travaux et de faire secher.

J’avais calculé que j’irais vous trou-
-ver dans le commencement de juillet
et je n’en désespere pas encore : je vous
ecrirai comment je suis, avant quinze
jours. Je ne scais jusqu’à quel point je
pourrai me permettre une longue
excursion une fois que je serai à
Strasbourg. Le voyage lui même m’effraye
un peu à cause de cet etat de faiblesse
qui ne veut pas me quitter ; mais
dans tous les cas, cher et bon cousin,
croyez bien à mon grand desir de vous
embrasser : vous me pardonnerez de vous
présenter dans ma personne un malade et


Page 3

un muet au lieu du causeur de
l’annee derniere.

Je vous embrasse de nou-
-veau de tout cœur.

EugDelacroix

 

À Champrosay par Draveil
Seine et Oise

Je me suis surtout fatigué en arri-
-vant ici pour terminer un article que
j’avais promis depuis longtemps a la revue
des deux mondes
. C’etait un peu je vous
l’avoue pour me remettre en mémoire
du sieur Buloz. J’espère, qu’a defaut
de M. Taillandier nous aurions un
article ou mention distinguée, en dehors
de l’article que j’esperais qu’il ferait. Je
suis desolé de vous donner depuis si long-
-temps le désappointement d’attendre le bon
vouloir de ces messieurs sur lesquels on
ne peut jamais compter.

 

 

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