Lettre à Alexandrine Lamey, 23 juin 1855

  • Cote de la lettre ED-IN-1855-JUIN-23-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Alexandrine LAMEY
  • Date 23 Juin 18[55]
  • Lieux de conservation Paris, bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet
  • Éditions précédentes Joubin, Correspondance générale, 1936-38
    , t. III, p. 269-271.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 4
  • Présence d’un croquis Non
  • Dimension en cm 20,8x27
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque Ms 238 pièce 8
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Transcription modernisée

Eug. Delacroix 185[illisible]
185

Champrosay, ce 23 juin1

Chère et bonne cousine,

Depuis que j’ai reçu votre chère lettre, à laquelle je me proposais de répondre bien vite, nous avons éprouvé une perte bien cruelle dans la personne de Mme Guillemardet, qui était pour nous deux une seconde mère2. Avant-hier, j’ai été à Passy embrasser mon pauvre Louis et conduire avec lui sa pauvre mère à sa dernière demeure. J’ai éprouvé là des émotions que je n’ai pas besoin de vous décrire : vous avez dû sentir tout cela en recevant cette triste nouvelle, dont Louis m’a dit que vous étiez informée. Pour lui, il a été comme toujours le meilleur des hommes et des fils, et le spectacle de sa douleur était déchirant.

Me voici retourné ici, où cette nouvelle était venue me chercher : j’y prends quelque repos en attendant la reprise de travaux fatigants qui vont m’occuper bientôt ; et voici ce que je prends la liberté de vous suggérer relativement à l’emploi de votre temps sur ce que vous me dites de votre bonne pensée de venir passer quelque temps à Paris et qui me rend si heureux. Vous m’annoncez que vous viendrez au mois d’août : je crains que plus vous retarderez, plus vous aurez de peine à vous loger à cause de l’approche des vacances. Vous aurez, je crois, de l’avantage à retarder le moins possible. De mon côté il y a peut-être de l’égoïsme dans ma proposition, qui est pourtant fondée en raison. Je suis certain d’être à Paris pendant juillet et août ; en septembre j’aurai un petit voyage à faire3 et, dans le cas où vous seriez à Strasbourg à cette époque, je pourrais encore aller vous y embrasser.

Le vrai motif déterminant serait, je crois, la foule de visiteurs qui profiteront indubitablement des vacances pour venir à Paris4.

Je ne suis ici que jusqu’à la fin du mois : je serai de retour à Paris vers le 3 ou 4 de juillet.

Adieu, chère amie et bonne cousine. Je sens comme vous qu’avec les années ma tendresse pour les gens que j’aime s’accroît encore, en raison de l’indifférence que j’éprouve pour tout attachement banal. C’est vous dire que vous m’êtes de plus en plus chère et que quelque chose me dit que je n’ai pas besoin de vous en assurer. Je vous embrasse donc comme je vous aime, en attendant le plaisir de vous voir.

Eugène Delacroix

Cher cousin, merci de vos bonnes lignes. Je me réjouis bien du plaisir de vous revoir et de vous savoir bien portant actuellement. Venez donc dans notre gouffre : nous nous verrons, nous causerons.

Votre bien dévoué cousin

 


1 La mention du récent décès de Madame Guillemardet permet de dater la lettre de 1855.
2 Les familles Delacroix et Guillemardet sont intimement liées depuis de nombreuses années.
3 Delacroix part le 10 septembre pour le château de Croze (Lot), propriété de François-Honoré de Verninac. L’artiste y avait séjourné dans sa jeunesse. Au cours de ce séjour, Delacroix réalise de nombreux dessins. Cet album - incomplet - est conservé à l’Art Institute de Chicago et a été publié en fac-similé par Maurice Serullaz sous le titre Eugène Delacroix. Album de croquis, Paris, Quatre Chemins-Editart, 1961. Michèle Hannoosh a depuis reconstitué l’intégralité de ce carnet publié dans Journal, éd. Hannoosh, t. II, p. 1770-1781 sous le titre "Carnet de Bade/ Strasbourg, 1855-1862". (Journal, éd. Hannoosh, t. I, p. 941.)
4 Pour visiter L’Exposition universelle.

 

Transcription originale

Page 1

Eug. Delacroix 185[illisible]
185

Page 2

Champrosay ce 33 juin.

 

Chère et bonne cousine,

depuis que j’ai reçu votre chère lettre
a laquelle je me proposais de répondre
bien vite, nous avons eprouvé une perte
bien cruelle dans la personne de mad.
Guillemardet qui etait pour nous deux
une seconde mère. avant-hier j’ai
eté à Passy embrasser mon pauvre Louis
et conduire avec lui sa pauvre mere a sa
dernière demeure. J’ai eprouvé la des
emotions que je n’ai pas besoin de vous
décrire : vous avez du sentir tout cela
en recevant cette triste nouvelle, dont
Louis m’a dit que vous etiez informée.
Pour lui, il a eté comme toujours le meilleur
des hommes et des fils et le spectacle de
sa douleur etait déchirant.

Me voici retourné ici où cette nouvelle
etait venue me chercher : j’y prends quelque
repos en attendant la reprise de
travaux fatigants qui vont m’occuper
bientôt ; et voici ce que je prends la

Page 3

liberté de vous suggerer relati-
-vement à l’emploi de votre temps
sur ce que vous me dîtes de votre
bonne pensée de venir passer quelque
temps à paris et qui me rend si
heureux. Vous m’annoncez que vous
viendrez au mois d’aout : je crains
que [mot barré illisible] plus vous retarderez, plus
vous aurez de peine à vous loger
à cause de l’approche des vacances.
Vous aurez je crois de l’avantage
à retarder le moins possible. de
mon coté il y a peut etre de l’egoisme
dans ma proposition qui est pourtant
fondée en raison. Je suis [mot interlinéaire] [2 mots barrés illisibles]
certain d’etre à Paris pendant
juillet et août : en 7bre j’aurai
un petit voyage a faire, et dans le
cas ou vous seriez à Strasbourg à cette
epoque, je pourrais encore aller vous
y embrasser.

Le vrai motif determinant serait

 

Page 4

je crois la foule de visiteurs qui
profiteront indubitablement des
vacances pour venir à Paris.

Je ne suis ici que jusqu’à la fin du
mois : je serai de retour à Paris vers
le 3 ou 4 de juillet.

Adieu chère amie et bonne
cousine. Je sens comme vous qu’avec
les années, [mot illisible] ma tendresse pour les gens
que j’aime s’accroit encore, en raison
de l’indifférence que j’éprouve pour tout
attachement banal. C’est vous dire que
vous m’etes de plus en plus chère et que
quelque chose me dit que je n’ai pas
besoin de vous en assurer : je vous
embrasse donc comme je vous aime, en
attendant le plaisir de vous voir.

EugDelacroix

/ cher cousin, merci de vos bonnes
lignes. Je me réjouis bien du plaisir de
vous revoir et de vous savoir bien portant
actuellement. Venez donc dans notre gouffre :
nous nous verrons, nous causerons.

Votre bien devoué cousin.

 

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