Lettre à Alexandrine Lamey, 2 juillet 1854

  • Cote de la lettre ED-IN-1854-JUIL-02-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Alexandrine LAMEY
  • Date 02 Juillet 18[54]
  • Lieux de conservation Paris, bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet
  • Éditions précédentes Joubin, Correspondance générale, 1936-38
    , t. III, p. 214-216.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 4
  • Présence d’un croquis Non
  • Dimension en cm 25x27
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque Ms 238 pièce 6
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Transcription modernisée

Adressé à Mme Auguste Lamey à Strabourg
Eug. Delacroix
1

 

Paris, 2 juillet [1854]2

Bonne et chère cousine,

 

Votre lettre me rend honteux de ne vous avoir pas prévenue : un des motifs, aussi ridicule que possible, qui m’a fait tarder à vous demander de vos nouvelles, c’était l’incertitude où j’étais sur l’époque à laquelle il me serait possible de réaliser le projet que j’avais formé, comme vous savez, d’aller vous embrasser à Strasbourg, ne fût-ce que pour deux ou trois jours : j’ai à combiner les époques de mes travaux, que la perspective de l’Exposition de 1855 me force à préciser plus qu’à l’ordinaire3, et jusqu’à présent je n’entrevoyais pas pour l’été la possibilité de m’absenter. Votre lettre, en m’apprenant que vous voyagerez en Alsace et en Allemagne, se rapporte jusqu’à un certain point avec mes dispositions. Je pourrai avoir quelques jours vers le mois de septembre, si toutefois vous êtes à Strasbourg à cette époque. C’est ce que vous serez assez bonne pour m’écrire, mais [à] la condition de ne vous gêner nullement pour cette petite visite, qui est encore si incertaine. Vu le printemps, je me suis laissé aller à rester à Champrosay plus longtemps que ne le permettaient mes occupations : cela a dérangé toute l’économie et toute la distribution de mes moments.

Je vois qu’à part des indispositions passagères, vous allez assez bien. Les petits voyages que vous vous proposez contribueront à améliorer encore votre santé. Ils sont devenus si commodes à cause du chemin de fer, qu’on n’a plus que le plaisir de voir des lieux différents sans les inconvénients que causaient autrefois les diligences et transports de toutes espèces.

Vous ne me parlez pas de la santé de mon cher cousin : c’est un signe qu’il n’a pas à s’en plaindre. Sans doute il faut pour se bien porter une bonne constitution, d’abord ; mais je crois très fort aussi que le caractère fait vivre : la modération, la résignation aux maux qu’on ne peut éviter et la fermeté pour combattre les autres constituent ce que j’appelle ici le caractère et M. Lamey en est un exemple. Je lui renouvelle mes sincères compliments d’une disposition si rare et vous prie bien de l’assurer du plaisir que j’aurai à renouveler nos conversations philosophiques et autres.

Je vous embrasse bien en attendant, chère cousine, comme ma plus ancienne et plus véritable amie.

Eugène Delacroix

 


1 Mention manuscrite postérieure.
2 Les propos de l’artiste sur "la perspective de l’Exposition universelle de 1855" dont l’inauguration est prévue le 15 mai 1855, permet à Joubin de dater la lettre, écrite le 2 juillet, de l’année 1854.
3 Après l’Exposition universelle de 1851 à Londres, Paris organise l’Exposition universelle de 1855. L’Etat sollicite Delacroix comme membre de la commission "section artistique" dirigée par le Prince Napoléon, cousin de l’Empereur. De plus, chaque pays est invité à présenter une sélection de ses artistes vivants avec, c’est une nouveauté,  des oeuvres représentatives de l’ensemble de leur carrière. Pour la France, Delacroix, Ingres, Horace Vernet et Decamps sont sollicités pour présenter une rétrospective de leur oeuvre. Enfin, à l’occasion de cette Exposition, l’Etat commande à Delacroix une grande toile en le laissant libre du sujet (Jobert, 1997, p. 260-264).

 

 

Transcription originale

Page 1

Adressé à Mad.e Auguste Lamey à
Strabourg

Eug. Delacroix

Page 2

Paris 2 juillet

 

Bonne et chère cousine,

 

votre lettre me rend honteux
de ne [mot barré illisible] vous avoir pas prévenue : un des
motifs, aussi ridicule que possible qui
m’a fait tarder à vous demander
de vos nouvelles c’etait l’incertitude
où j’étais sur l’époque à laquelle il me
serait possible de réaliser le projet que
j’avais formé comme vous savez d’aller
vous embrasser à Strasbourg, ne fut ce que
pour deux ou trois jours : j’ai a combiner
les epoques de mes travaux que la perspective
de l’exposition de 1855 me force à préciser
plus qu’à l’ordinaire et jusqu’à présent
je n’entrevoyais pas pour l’été la possibilité
de m’absenter. votre lettre en m’apprenant
que vous voyagerez en alsace et en allemagne
se rapporte jusqu’à un certain point avec
mes dispositions. Je pourrai avoir quelques
jours vers le mois de septembre si


Page 3

toutefois vous etes à Strasbourg
à cette epoque. C’est ce que vous serez
assez bonne pour m’écrire, mais avec
la condition de ne vous gêner nullement
pour cette petite visite qui est encore
si incertaine. Vu le printemps, je
me suis laissé aller à rester à
Champrosay plus longtemps que ne le
permettaient mes occupations : cela
a dérangé toute l’économie et toute
la distribution de mes moments.

Je vois qu’à part des indispositions
passagères vous allez assez bien. Les
petits voyages que vous vous proposez
contribueront à améliorer encore
votre santé. Ils sont devenus si com-
-modes à cause du chemin de fer
qu’on n’a plus que le plaisir de voir des
lieux différents sans les [mot interlinéaire] inconvénients
que causaient autrefois les diligences
et transports de toutes espèces.

vous ne me parlez pas de la

Page 4

santé de mon cher cousin : c’est
un signe qu’il n’a pas à s’en plaindre.
Sans doute il faut pour se bien porter
une bonne constitution d’abord : mais
je crois très fort aussi que le caractère
fait vivre : la modération, la résignation
aux maux qu’on ne peut éviter, et la
fermeté pour combattre les autres consti-
-tuent ce que j’appelle ici le caractère et
Mr Lamey en est un exemple. Je lui
renouvelle mes sincères compliments
d’une [mot barré] disposition si rare et vous
prie bien de l’assurer du plaisir que j’aurai
a renouveller nos conversations philoso-
-phiques et autres.

Je vous embrasse bien en attendant
chère cousine comme ma plus ancienne
et plus veritable amie.

EugDelacroix

 

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