Lettre à Henriette de Verninac, 8 juillet 1820

  • Cote de la lettre ED-IN-1820-JUIL-8-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Henriette de VERNINAC
  • Date 08 Juillet 1820
  • Lieux de conservation Paris, bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet
  • Éditions précédentes Joubin, Correspondance générale, 1936-38
    , t. V, p. 59-61.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 4
  • Présence d’un croquis Non
  • Dimension en cm 20x30,1
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque Ms. 241 pièce 18
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Transcription modernisée

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À Madame
Madame Verninac
Poste restante. À Mansle.
Charente.

 

Le 8 juillet 1820.

Ma chère sœur,

Il faut que tu me pardonnes mon mauvais papier, ma mauvaise écriture etc. Mais l’heure me presse : je n’ai que le temps d’aller
à la Poste porter ma lettre à Piron pour qu’elle puisse partir à temps ; et je ne veux pas laisser passer le courrier sans te dire quelque chose sur Charles. Il se porte parfaitement bien. Tes craintes sont tout à fait dénuées de fondement. Le jour même que je reçu la lettre où tu me marquais ton inquiétude, je fus au Lycée et il me dit qu’il était parfaitement bien. Il me dit alors qu’il allait lui-même t’écrire sur le champ. Je l’ai fait sortir aujourd’hui. Il a congé général, à l’occasion du 8 juillet qui est l’anniversaire de la rentrée du Roi1. – Je voulais te dire aussi que Mr. Fernandez2 est venu à la maison. Il m’a chargé d’écrire mille choses à mon beau-frère par ma premiere lettre. Il m’a demandé votre adresse, sans doute pour écrire de son côté. Je lui ai donné le dernier plaidoyer de mon beau-frère 3. Il a la collection de ceux de la cour de cassation d’il y a deux ans, et celui-ci a paru lui faire beaucoup de plaisir.

J’ai reçu par la diligence les 136fr pour moi et pour la pension de Charles. J’espérais y trouver aussi l’argent du loyer. Mde Cazenave a envoyé chez mon oncle, au commencement du mois, pour faire songer à ce qui lui est du. Je te recommande bien de le retarder le moins possible. Le temps presse.

Je suis parvenu à la sueur de mon front à me procurer un magnifique coupon de draps pour me faire un habit. C’est une occasion dont j’ai profité. Cette dépense a borné mes moyens. Je désirerais si cela se peut faire, en avoir au moins la façon. Sinon je serai assez embarrassé pour attrapper le bout du mois.

Il faut confesser, que mes comptes sont très obscurs pour moi-même. Nous pourrons j’espère à nous deux et en comparant les comptes que tu as tenus avec les miens, éclaircir tout cela 4. autrement, je n’en vois pas la possibilité. –

Le domestique de Mde de Brancas, me demande aussi fréquemment si j’ai reçu l’argent des volets. – faut-il que je n’aie à te parler que de toutes ces misères, et qu’une lettre que je t’écris, ne soit jamais qu’un bordereau de comptes, comme la lettre d’un marchand. Ce maudit appartement ne se loue point : il faut que ce soit à cause de la campagne : car les petites affiches n’y font pas venir plus de monde 5. Il est venu pourtant dernièrement des anglaises le voir elles ne voulaient en donner que 1200 f.

Adieu ma chère sœur. – je t’embrasse ainsi que mon beau-frère. Charles travaille et se conduit bien. Je viens de lire des vers de lui qui sont très bien.

E. Delacroix.

Mr. Riesener est arrivé de Russie. Il paraît qu’il a gagné beaucoup. Outre des diamants, des cachemires et de belles fourrures qu’il rapporte à sa femme. Il se trouve avoir gagné à peu près cent dix mille roubles = Il voudrait pour mon intérêt que j’allasse étudier près de Mr David à Bruxelles. J’y ai pensé bien souvent : mais il faut encore y réfléchir –

[vertical, marge gauche]

je rouvre pour te dire que la portière m’a demandé son quartier, échu depuis le 1er juillet. N’oublies pas de me dire l’adresse du Md de meubles qui t’as fourni la voiture à déménager.

 


1 Retour de Louis XVIII le 8 juillet 1815 à Paris.
2
Selon Joubin (t. V, p. 59.), il s’agit d’un avocat.
3 Voir la lettre du 8 juin 1820, note 2.
4
Il tient un carnet des comptes pour la période du 31 décembre 1819 au 26 août 1820, connu grâce à un fac-similé (Journal, éd. Hannoosh, t. II, p. 1432-1439).
5
Voir la lettre du 30 mai 1820, note 7, et la lettre du 27 juin 1820,
note 3.

 

 

 

 

Transcription originale

Page 1

À Madame
Madame Verninac
Poste restante. À Mansle.
Charente.

 

 

Page 2

Le 8 juillet 1820.

Ma chere sœur,

Il faut que tu me pardonnes mon mauvais papier, ma mauvaise ecriture etc. Mais l’heure me presse : je n’ai que le temps d’aller à la Poste porter ma lettre à Piron pour qu’elle puisse partir à temps ; et je ne veux pas laisser passer le courrier sans te dire quelque chose sur charles. Il se porte parfaitement bien. tes craintes sont tout à fait denuées de fondement. Le jour même que je reçu la lettre où tu me marquais ton inquietude, je fus au Lycée et il me dit qu’il était parfaitement bien. Il me dit alors qu’il allait lui-même t’écrire sur le champ. Je l’ai fait sortir aujourd’hui. Il a congé general, à l’occasion du 8 juillet qui est l’anniversaire de la rentrée du roi. – Je voulais te dire aussi que Mr. Fernandez est venu à la maison. Il m’a chargé d’ecrire mille choses à mon beau frère par ma premiere lettre. Il m’a demandé votre adresse, sans doute pour ecrire de son coté. Je lui ai donné le dernier plaidoyer de mon beau frère. Il a la collection de ceux de la cour de cassation

 

Page 3

d’il y a deux ans, et celui-ci a paru lui faire beaucoup de plaisir.

J’ai reçu par la diligence les 136fr pour moi et pour la pension de Charles. J’esperais y trouver aussi l’argent du loyer. Mme Cazenave a envoyé chez mon oncle, au commencement du mois, pour faire songer à ce qui lui est du. Je te recommande bien de le retarder le moins possible. Le temps presse.

Je suis parvenu à la sueur de mon front à me procurer un magnifique coupon de draps pour me faire un habit. C’est une occasion dont j’ai profité. Cette depense a borné mes moyens. Je desirerais si cela se peut faire, en avoir au moins la façon. Sinon je serai assez embarassé pour attrapper le bout du mois.

Il faut confesser, que mes comptes sont très obscurs pour moi même. Nous pourrons j’espère à nous deux et en comparant les comptes que tu as tenus avec les miens, éclaircir tout cela. autrement, je

 

Page 4

n’en vois pas la possibilité. –

Le domestique de Mme de Brancas, me demande aussi frequemment si j’ai reçu l’argent des volets. – faut il que je n’aie à te parler que de toutes ces misères, et qu’une lettre que je t’ecris, ne soit jamais qu’un bordereau de comptes, comme la lettre d’un marchand. Ce maudit appartement ne se loue point : il faut que ce soit à cause de la campagne : car les petites affiches n’y font pas venir plus de monde. Il est venu pourtant dernierement des anglaises le voir[illisible] elles ne voulaient en donner que 1200 f.

Adieu ma chère sœur. – je t’embrasse ainsi que mon beau frere. Charles travaille et se conduit bien. Je viens de lire des vers de lui qui sont très bien.

E. Delacroix.

Mr. Riesener est arrivé de Russie. Il parait qu’il a gagné beaucoup. outre des diamants, des cachemires et de belles fourrures qu’il rapporte à sa femme. il se trouve avoir gagné à peu près [mot barré] Cent dix mille roubles = Il voudrait pour mon interet que j’allasse etudier près de Mr David à bruxelles. j’y ai pensé bien souvent : mais il faut encore y reflechir –

[vertical, marge gauche]
je rouvre pour te dire que la portière m’a demandé son quartier, échu depuis le 1er juillet n’oublies pas de me dire l’adresse du Md de meubles qui t’as fourni la voiture à deménager.

 

 

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