Lettre à Henriette de Verninac, 15 juin 1822

  • Cote de la lettre ED-IN-1822-JUIN-15-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Henriette de VERNINAC
  • Date 15 Juin 1822
  • Lieux de conservation Paris, bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet
  • Éditions précédentes Joubin, Correspondance générale, 1936-38
    , t. V, p. 133-135..
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 4
  • Présence d’un croquis Non
  • Dimension en cm 22,9x36,8
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque Ms. 241, pièce 56
  • Données matérielles Emprunte d’un cachet de cire

Transcription modernisée

A Madame Veuve Verninac
Poste restante
A Mansle, Charente

17 juin

Le 15 juin 1822.

Ma chère sœur,

Je reçois hier une lettre de M. Lacan dans laquelle il me priait de passer chez lui. Depuis longtemps j’étais inquiet de point lui voir prendre de détermination sur le voyage projeté1. Il me dit que tu n’avais pas reçu depuis longtemps de mes nouvelles et j’avais vu Piron la veille qui m’avait dit que tu n’en n’avais pas reçu depuis le 13 mai : ce qui dit paraîtrait inconcevable si je ne pensais que c’est une erreur de date ou que nous avons mal lu sur ta lettre. Je t’ai écrit lundi dernier en t’envoyant ton contrat de mariage qu’il a été impossible de faire partir franc de port ou au moins sous bande. Je reviens à ma conversation avec M. Lacan. Il paraît que cet homme s’est beaucoup refroidi dans le beau zèle qui lui faisait, disait-il, entreprendre ce long voyage malgré ses infirmités et son âge. Il trouve à présent qu’il serait et coûteux et inutile ; et ne voulant plus se déplacer, il trouve convenable que tu quittes tout là-bas pour venir recevoir ses conseils à Paris. Tu es plus à même que moi d’apprécier ce que ses idées peuvent avoir de raisonnable. Ce que je crois voir au fond de tout cela, c’est qu’apparemment il ne regarde pas comme possible de conserver la Forêt, ou plutôt il redoute les soins qu’il faudrait prendre pour l’amener à bon port. Au moment de partir moi-même, je me trouve fort embarrassé en songeant que tu vas peut-être revenir à Paris. Mais non, cela ne me paraît pas encore possible. Aie la bonté, je te prie, de me mettre bien au fait de ce qui regarde dans nos affaires. Dans ce règlement de l’ordre des créanciers2 qui a été fait récemment, comment y suis-je porté et qui est chargé de me représenter ? Car je te parlais dans ma dernière lettre de la procuration que j’avais faite à M. Lacan, ne me souvenant plus, étourdi que je suis, que ce n’était qu’afin de nommer un subrogé tuteur et faire les choses de première nécessité et de forme. Il est bien nécessaire que je connaisse bien tout cela afin de me régler sur la manière dont je dois agir avec mon frère et celle enfin dont je dois agir moi-même, persuadée que tu es, si tu me connais, comme je le crois, qu’en travaillant pour moi, c’est notre sort à tous trois que j’assurerais. Comme dans le temps mon beau-frère avait réglé la créance de mon frère, celle des autres créanciers doit l’être également. Donne-moi connaissance de la mienne ainsi que la manière dont tu penses que je doive faire avec mon frère. J’ai pensé qu’il valait mieux aller droit au but et m’adresser à toi-même pour les meilleurs conseils, etc. Et pourquoi ? Pour éclairer ma poursuite contre toi ? Pauvre sœur, je te le répète, si je sauve quelque chose du naufrage, tu n’auras pas de ton côté naufragé tout à fait. Mais que je te plains et pourquoi n’ai-je pas le talent et l’expérience nécessaires pour te secourir et t’éclairer ; car dans la position où je me trouve, je crains également de te nuire en prenant soit un parti, soit l’autre. Est-ce de M. Dussol que tu parles à M. Lacan en lui disant qu’un de tes parents doit venir te trouver : ce serait un homme bien précieux pour toi dans ce moment ; je n’ose m’en flatter, à cause de sa qualité de député qui l’appelle à Paris. Malgré mes recherches dans les cartons de mon beau-frère, je n’ai pu trouver les quittances de mon frère, ni rien qui ait rapport à Vassy3. Je n’ai pas [lacune] cherché dans la malle aux papiers, j’y verrai.

Adieu cher petit neveu et chère sœur ; que vous devez vous ennuyer d’être ainsi toujours dans l’incertitude. J’attends votre réponse que vous me ferez de suite, je vous en prie, et je me mets en route. Je vous embrasse et vous aime de tout mon cœur.

E. Delacroix


1 Delacroix fait référence au voyage de l’avoué à Boixe afin de s’occuper de la vente de la forêt. Prévu depuis avril puis toujours repoussé, ce déplacement est alors en passe d’être annulé.
2 La mort de Raymond de Verninac en avril 1822 a laissé sa veuve et ses frères dans une situation d’endettement.
3 Il existe plusieurs villages de ce nom en France sans que nous n’ayons pu, pour le moment, établir un lien entre l’un d’entre eux et la famille Delacroix.

 

Transcription originale

Page 1

À Madame

Madame Ve Verninac

Poste restante.

à Mansle.

Charente.

 

17 juin

 

Page 2

le 15 juin 1822.

Ma chère sœur,

Je reçois hier une lettre de Mr. Lacan dans la quelle il me priait
de passer chez lui. depuis longtemps j’étais inquiet de point lui voir
prendre de determination sur le voyage projetté. Il me dit que tu
n’avais pas reçu depuis longtemps de mes nouvelles et j’avais vu
Piron la veille qui m’avait que tu n’en n’avais pas reçu depuis le
13 mai : ce qui dit paraitrait inconcevable si je ne pensais que
C’est une erreur de date ou que nous avons mal lu sur ta lettre.
Je t’ai ecrit lundi dernier en t’envoyant ton contrat de mariage
qu’il a été impossible de faire partir franc de port ou au moins sous bande.
Je reviens à ma conversation avec Mr. Lacan. Il parait que cet homme
s’est beaucoup refroidi dans le beau zèle qui lui fesait disait-il entreprendre
ce long voyage malgré ses infirmités et son age. Il trouve à present qu’il
serait et couteux et inutile ; et ne voulant plus se déplacer, il trouve
convenable que tu quittes tout là bas pour venir recevoir ses
conseils à Paris. Tu es plus à même que moi d’apprecier ce que
ses idées peuvent avoir de raisonnable. Ce que je crois voir au fond
de tout cela, c’est qu’apparemment il ne regarde pas comme possible
de conserver la forêt, ou plutôt il redoute les soins qu’il faudrait prendre
pour l’amener à bon port. Au moment de partir moi même, je
me trouve fort embarrassé en songeant que tu vas peut-etre revenir
à Paris. Mais non : cette cela ne me parait pas encore possible.
aies la bonté, je te prie, de me mettre bien au fait de ce qui

 

Page 3

regarde dans nos affaires. Dans ce reglement de l’ordre [2 mots interlinéaires] des creanciers
qui a eté fait recemment comment y suis je porté et qui est
chargé de me réprésenter. Car je te parlais dans ma derniere
lettre de la procuration que j’avais faite à Mr Lacan, ne me
souvenant plus, etourdi que je suis, que ce n’etait qu’afin de
nommer un subrogé tuteur et faire les choses de premiere necessité
et de forme. Il est bien nécéssaire que je connaisse bien tout cela
afin de me regler sur la manière dont je dois agir avec mon
frère enfin [plusieurs autres mots barrés illisibles] et celle enfin dont
je dois agir moi-même, persuadée que tu es, si tu me connais,
comme je le crois, qu’en travaillant pour moi, c’est notre
sort à tous trois que j’assurerais. --- Comme dans le temps
mon beau frère avait reglé reglé la créance de mon frère
celle des autres creanciers doit l’etre egalement : donne moi
connaissance de la mienne et je ainsi que la manière dont
tu penses que je doive faire avec mon frère. J’ai pensé qu’il
valait mieux aller droit au but et m’adresser à toi même
pour les meilleurs conseils, & …. et pourquoi ! pour
[début de mot barré illisible] eclairer ma poursuite contre toi !. Pauvre sœur, je te
le repète : si je sauve quelquechose du naufrage, tu n’auras

Page 4

pas de ton coté naufragé tout à fait. Mais que je te plains
et pourquoi n’ais je pas le talent et l’experience necessaire pour
te secourir et t’éclairer ; car dans la position où je me trouve
je crains également de te nuire en prenant soit un parti,
soit l’autre. --- Est-ce de Mr. Dussol que tu parles à Mr.
Lacan en lui disant qu’un de tes parents doit venir te trouver :
ce serait un homme bien precieux pour toi dans ce moment ;
je n’ose m’en flatter, à cause de sa qualité de deputé qui
l’appelle à Paris. – Malgré mes recherches dans les cartons
de mon beaufrère, je n’ai pu trouver les quittances de mon
frère, ni rien qui ait rapport à W Vassy. je n’ai pas [??]
cherché dans la malle aux papiers, j’y verrai.
adieu cher petitt neveu et chère sœur ; que vous devez
vous ennnuyer d’etre ainsi toujours dans l’incertitude.
j’attends votre reponse que vous me ferez de suite, je vous en
prie, et je me mets en route. Je vous embrasse et vous aime
de tout mon cœur. _______

E. Delacroix

 

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