Lettre à Henriette de Verninac, 8 décembre 1821

  • Cote de la lettre ED-IN-1821-DEC-08-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Henriette de VERNINAC
  • Date 08 Décembre 1821
  • Lieux de conservation Paris, bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet
  • Éditions précédentes Joubin, Correspondance générale, 1936-38
    , t. V, p. 98-100.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 4
  • Présence d’un croquis Non
  • Dimension en cm 23,9x37,6
  • Cachet de cire Oui
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque Ms. 241 pièce 39
  • Cachet de la poste [Cachet triangulaire rouge] P
  • Œuvre concernée Barque de Dante (la)
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Transcription modernisée

À Madame Verninac
Poste restante
à Mansle, Charente

Le 8 décembre 1821.

Ma chère sœur,

Je veux t’écrire quoique tu ne veuilles pas me répondre. Ce n’est pas que je ne remercie beaucoup mon cher Charles d’avoir bien voulu s’en charger. Je suis charmé qu’il continue à s’amuser. Ne devant pas faire son droit cette année1, je t’avoue que je me demandais à quoi il lui serait possible d’employer son temps à Paris. Hélas, la proposition que vous voulez bien me faire par lui, ne serait que trop de mon goût et je vous en remercie bien2. Il y a longtemps que je voudrais changer un peu d’air et sortir de mon isolement. Mais voilà le Salon qui approche, je n’ai plus que quatre mois d’ici là et les expositions sont à des termes trop éloignés les uns des autres pour négliger de s’y montrer s’il est possible. J’ai le projet de faire un tableau et je m’en occupe3. J’aurai à peine le temps car l’époque est de rigueur. Il faut donc que je remette à l’année prochaine cette partie de plaisir. J’ai été chez M. Boilleau. Il m’a chargé de dire à mon beau-frère qu’il avait eu une infinité de chagrin et qu’ayant éprouvé beaucoup de pertes dans sa famille et dans ses clients, il avait été privé de lui écrire. Il avait reçu la traite de Rochefort et en ayant donné avis au correspondant, il pensait que ce dernier en aurait pu donner connaissance à vous autres. Il écrira par le prochain courrier et il me charge par celui-ci de prier avec instance mon beau-frère de presser l’envoi de M. de Mornay4 qui désire très vivement être payé. Il m’a recommandé cela avec beaucoup d’instance. Je t’ai déjà dit que les impositions avait envoyé leur sommation qui s’élèvent à la somme de 79 francs. Comment pouvais-je payer cela ? Ils en sont déjà aux sommations avec frais. De mon côté je ne puis parvenir à toucher l’argent de mon tableau5 ce qui m’a forcé de te redemander ce que j’avais avancé pour Charles. Commençant un tableau je désirais pourvoir à mes dépenses indispensables.

Adieu ma chère sœur. Je t’embrasse tendrement ainsi que mon beau-frère et Charles. Fais-moi le plaisir de lui montrer à lui seul le petit mot de latin qui suit : c’est une affaire importante qui ne regarde que nous deux pour le moment.

E. Delacroix

Amice nepos, orando indulgentiam tuam per meum latinum cuisinae, te precor ut me facias sapere quid possem dare matri tuae per il principium anni proximi, quod possit affere illi jucunditatem quamdam. Me scribebis illud cum secreto in proxima tua epistola et cavebis ne mater legat. Timeo ne sint [non] purissimae latinae mea voces, sed non habeo tempus quaerendi aliquid melius. Amplector te, tenerrime, et mater quoque, et illud punctum do tibi licentiam solùm dicendi. Quin imò poteris amplecti eam per me, tu ipse, carissime mi.

 


1 Bachelier ès lettres le 11 août 1821, Charles ne commença ses études de droit que l’année suivante.
2 Invitation à les rejoindre à la forêt de Boixe.
3 Il s’agit de La Barque de Dante.
4 Selon Joubin, un des créanciers de la forêt de Boixe.
5 Delacroix fait vraisemblablement allusion à La Vierge du Sacré-Coeur, exécutée pour le compte de Géricault et aujourd’hui conservée dans la cathédrale d’Ajaccio (Corse-du-Sud). Voir aussi les lettres du 28 juillet 1820, 12 août 1820, 25 janvier 1821, 14 avril 1821, 18 juin 1821 et 16 janvier 1822.

Transcription originale

Page 1

À Madame

Madame Verninac

Poste restante

À Mansle.

Charente.

Page 2

Le 8 Xbre 1821.

Ma chere sœur,

Je veux t’écrire quoique tu ne veuilles pas me
repondre. Ce n’est pas que je ne remercie beaucoup
mon cher Charles d’avoir bien voulu s’en charger. Je
suis charmé qu’il continue à s’amuser. Ne Devant
pas faire son droit cette année, je t’avoue que je
me demandais à quoi il lui serait possible d’employer
son temps à Paris. Helas La proposition que vous
voulez bien me faire par lui, ne serait que trop de mon
gout et je vous en remercie bien. Il y a longtemps que
je voudrais changer un peu d’air et sortir de mon
isolement. Mais voilà Le salon qui approche je n’ai
plus que 4 mois d’ici là et les expositions sont à des
termes trop éloignés les uns des autres pour negliger
de s’y montrer s’il est possible j’ai le projet de faire un
tableau et je m’en occupe. J’aurai apeine Le temps car L’epoque est de rigueur. Il faut donc que je remette à L’année

Page 3

prochaine Cette partie de plaisir – j’ai été chez
M. Boilleau. Il m’a chargé de dire à mon
beaufrère qu’il avait eu une infinité de chagrin
et qu’ayant eprouvé beaucoup de pertes dans sa
famille et dans ses cliens il avait ete privé de lui
ecrire. Il avait reçu la traite de Rochefort et
[mot illisible barré] en ayant donné avis au correspondant il pensait que ce dernier en aurait pu donner connaissance à vous autres. Il ecrira par le prochain courrier et il me charge par celuici de prier avec
instance mon beaufrère de presser L’envoi de M. de Mornay qui desire très vivement être payé. Il m’a recommandé cela avec beaucoup d’instance. – Je t’ai deja dit que Les impositions avait envoyé leur
sommation qui s’elevent à la somme de 79 #. Comment pouvais je payer cela ? ils en sont déja aux sommations avec frais. De mon côté je ne puis parvenir à toucher L’argent de mon tableau Ce

Page 4

qui m’a forcé de te redemander Ce que j’avais
avancé pour Charles. Commençant un tableau je
desirerais pourvoir à mes depenses indispensables.

Adieu ma chère soeur je t’embrasse tendrement
ainsi que mon beaufrere et Charles. Fais moi le
plaisir de lui montrer à lui seul le petit mot de latin
qui suit : c’est une affaire importante qui ne regarde
que nous deux pour le moment.

E. delacroix.

Amice nepos, orando indulgentiam tuam per ill[mot illisible]
latinum cuisinae, te precor ut me facias sapere quid
possem dare matrituae per il principium anni proximi,
quod possit affere illi jucunditatem quamdam. Me
scribebis illud cum secreto in proxima tûa epistolâ et
Cavebis ne mater Legat. Timeo ne suit non [mot interlinéaire] purissimae
Latine mea voces, sed non habeo tempus quaerendi
aliquid melius. Amplector te tenerrimé, et mater quoque
et illard ponctum do tibi licentiam solùm dicendi. Quia
inis poteris amplecti eam per me, tu ipse, carissime mi.

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