Lettre à Henriette de Verninac, 4 septembre 1821

  • Cote de la lettre ED-IN-1821-SEPT-04-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Henriette de VERNINAC
  • Date 04 Septembre 1821
  • Lieux de conservation Paris, bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet
  • Éditions précédentes Joubin, Correspondance générale, 1936-38
    , t. V, p. 91-93.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 4
  • Présence d’un croquis Non
  • Dimension en cm 23,9x18,8
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque Ms. 241 pièce 36
  • Données matérielles Un trou dans le feuillet droit
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Transcription modernisée

À Madame Verninac
Poste restante
À Mansle. Charente.

Le 4 septembre 1821.

Vous voilà donc réunis, sans que le cher neveu me donne avis de son arrivée. Et toi, ma chère sœur, tu ne m’en dis rien non plus : il est vrai que pour être juste je te dois une réponse : mais quand on est heureux on oublie aisément les dettes des autres pour leur faire part de sa joie. Enfin tu vois ton fils tout à ton aise et ce coquin se dédommage amplement de ses privations. Je regrette bien de n’avoir pu le suivre. J’augurai tous les biens imaginables d’un séjour à la forêt cette année ; mais cette malheureuse fièvre m’a trop retardé pour que j’aie pu me donner ce plaisir1. Pour compenser un peu l’exercice que j’y aurais pris, je prends des leçons de cheval qui par bonheur ne me coûtent pas cher. Le seul inconvénient est qu’il faut les aller prendre dans les faubourgs du Temple. Il y a quelques jours que j’ai été mandé par M. Boilleau comme chargé de la procuration de mon beau-frère, pour figurer l’acte par lequel M. Delahaye2 transporte sa créance sur une autre personne. D’après les détails qu’a bien voulu me donner M. Boilleau, cette affaire paraît bien avantageuse : d’abord le délai de trois ans pour le remboursement général, puis la remise des intérêts que M. Boilleau me charge de prier mon beau-frère de ne pas négliger et de faire tout ce qui dépendra de lui, pour les solder bien exactement. Il se plaint que mon beau-frère ne repond[e] pas à ses lettres d’une manière bien suivie.

J’ai suivi tes instructions suivant le meuble et les rideaux du salon ; je les ai fait tous transporter dans ma seule pièce, de manière à pouvoir les battre et les retourner à volonté ; chose dont ils ont un besoin continuel : il en est de même des couvertures, des matelas et toutes choses en laine, les habits etc. Le portier demande 5 francs par mois pour faire cette besogne qui est considérable ; moyennant quoi tout sera entretenu proprement et exactement. Il faut un soin continuel pour écarter les vers et les papillons. Je te prie de tâcher de m’envoyer le plus tôt possible, les 100 francs que j’ai trouvé en partie à emprunter pour les frais du départ de Charles et dont il doit t’avoir montré le compte. Cela me met en arrière sur tout le reste.

Nous avons eu ici des chaleurs excessives : elles se tempèrent un peu. Cependant elles pourraient bien recommencer à la tournure que prend le temps. J’ai goûté dernièrement d’un légume que tu ne connais peut-être pas ou du moins que tu ne possèdes pas là-bas. Ce sont des artichauts d’Espagne. Ils ont un goût très délicat entre le concombre et la pomme de terre. À la première occasion je tâcherai de t’en envoyer.

Adieu ma chère sœur ; je t’embrasse tendrement ainsi que mon beau-frère et Charles.

E. Delacroix


1 Delacroix décline durant l’été 1821 l’invitation de sa sœur à se rendre dans la Forêt de Boixe en raison des préparatifs de son premier Salon, c’est-à-dire de La Barque de Dante, présentée en 1822.
2 Avoué de la famille.

Transcription originale

Page 1

À Madame

Madame Verninac

Poste restante

À Mansles.

charente.

Page 2

Le 4 septembre 1821.

Vous voila donc reunis, sans que le cher neveu me donne avis
de son arrivée. Et toi, ma chère soeur, tu ne m’en dis rien non plus :
il est vrai que pour être juste je te dois une reponse : mais quand
on est heureux on oublie aisement les dettes des autres pour leur
faire part de sa joie. Enfin tu vois ton fils tout à ton aise et Ce
Coquin se dedommage amplement de ses privations. Je regrette
bien de n’avoir pu le suivre : j’augurai tous les biens imaginables
d’un sejour à la foret cette année ; Mais cette malheureuse fievre
m’a trop retardé pour que j’aie pu me donner ce plaisir. pour
Compenser un peu L’exercice que j’y aurais pris, je prends
des leçons de cheval qui par bonheur ne me coutent pas
cher. Le seul inconvenient est qu’il faut les aller prendre
dans les faubourgs du temple. Il y a quelques jours que
j’ai été mandé par M. Boilleau pour Comme chargé de
la Procuration de mon beau frère, pour figurer L’acte
par lequel Mr. Delahaye transporte sa creance sur une
autre personne. D’après Les details qu’a bien voulu me
donner Mr. Boilleau, cette affaire parait bien avantageuse :
D’abord Le delai de trois ans pour le remboursement general :
puis La remise des interets que Mr. Boilleau me charge de
prier mon beau frere de ne pas negliger et de faire tout Ce

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qui dépendra de lui, pour les solder bien exactement.
Il se plaint que mon beau frère ne repond pas [un mot illisible barré]  à ses
lettres d’une maniere bien suivie.

J’ai suivi tes instructions suivant Le meuble et les
rideaux du salon ; je les ai fait tous transporter dans
ma seule piece, de maniere à pouvoir les battres et
les retourner à volonté ; chose dont ils ont un
besoin continuel : Il en est de même des Couvertures
des matelats et toutes Choses en Laine, Les habits &.
Le portier demande 5 fr. par mois pour faire cette
besogne qui est considerable ; moyennant quoi tout
sera entretenu proprement et exactement. Il faut
un soin Continuel pour ecarter les vers et les papillons.
Je te prie de tacher de m’envoyer Le plus tot possible,
Les 100 fr que j’ai trouvé en partie à emprunter
pour Les frais du départ de charles et dont il doit
t’avoir montré Le compte. Cela me met en arriere
sur tout Le reste.

Nous avons eu ici des chaleurs excessives :
elles se temperent un peu. Cependant elles

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pourraient bien recommencer à La tournure que
prend le temps. – j’ai gouté dernierement d’un
legume que tu ne connais peut etre pas ou dumoins que
tu ne possedes pas labas. Ce sont des artichauts d’Espagne.
ils ont un gout très delicat entre Le concombre et la
Pomme de terre. À La premiere occasion je tacherai
de t’en envoyer.

Adieu ma chère soeur ; je t’embrasse tendrement
ainsi que mon beaufrère et Charles. –

E. delacroix

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