Lettre à Henriette de Verninac, 18 juin 1821

  • Cote de la lettre ED-IN-1821-JUIN-18-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Henriette de VERNINAC
  • Date 18 Juin 1821
  • Lieux de conservation Paris, bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet
  • Éditions précédentes Joubin, Correspondance générale, 1936-38
    , t. V, p. 83-85.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 4
  • Présence d’un croquis Non
  • Dimension en cm 20,2x31,6
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque Ms. 241 pièce 32
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Transcription modernisée

A Madame
Madame Verninac
Poste restante
À Mansle.
Charente.

18 juin 1821

Je t’aurais répondu plus tôt, ma chère soeur si je n’eusse désiré parler en même temps de différentes choses dont il a fallu s’informer. D’abord des machines à carder les matelas1. J’ai cherché Lemesle2 que je n’ai pu jusqu’ici déterrer. La portière de la maison conseille un cardeur qui pourra faire cette affaire. J’espère pourtant encore trouver l’autre. Dans tous les cas tu auras tes instruments d’ici deux ou trois jours (j’entends qu’ils seront mis aux rouliers3 comme tu le demandes). Je voulais aussi répondre à mon beau-frère, au sujet de Milcent le peintre de la maison. Tu sais qu’on n’obtient pas facilement de l’oncle Pascot tout ce qu’on lui demande. J’ai enfin visité avec lui les papiers et quittances relatifs aux ouvriers. Le mémoire arrêté de Milcent se monte à 133 francs 10 centimes, sur lesquels mon oncle lui a payé en janvier 1820 et de ses propres deniers 33 francs. Seulement, de sorte que depuis ce temps il lui est dû encore 100 francs. Le lycée est aussi venu me poursuivre. Mon beau-frère m’avait écrit dans le temps que je t’en parlai, qu’il enverrait directement au lycée ce qui était dû. Ils sont fort contrariés et m’ont fort déplu. Il m’a fallu inventer je ne sais quelle excuse, mais qui ne les a pas renvoyés contents. Pense à cela je te prie. Ne me reproche pas d’avoir retenu si longtemps l’argent de ta rente. Sans cela je n’aurais pu, lorsque mon beau-frère me demanda l’expédition du jugement déposer les 30 francs exigés ; par conséquent il aurait beaucoup attendu. Je n’avais pas 6 francs à ma disposition dans ce temps. Les drogues qu’il m’a fallu continuer m’avaient fort embarrassé heureusement je ne me sens plus de rien. Mon chapeau ne s’est pas guéri comme moi. Il s’obstine à devenir de plus en plus crasseux et il menace d’une gouttière au dessus de l’oeil droit. Je te serais bien obligé de soigner promptement cet article. Quand au jugement tu as pu voir par la copie qu’il n’avait coûté que 21 francs 10 centimes ce qui fait qu’on m’a rendu le surplus de ce que j’avais déposé. Je crois t’avoir envoyé aussi en temps et lieu ou a peu près de la note des dépenses que les anglaises4 ont faites avec le fumiste ; dépenses que je trouvais fort singulières, fort exhorbitantes et dont je leur fis par écrit des plaintes. Cependant comme mon oncle leur avait promis que les dépenses seraient partagées, n’oublie pas de porter le surplus de 44 francs, le total est de 88 francs, dans l’envoi relatif au loyer. Il y a déjà deux trimestres que nous remettons à solder ce compte avec elles et elles m’ont demandé que ce fut à celui-ci. Que de choses je te dis là ; et je suis loin d’avoir fini. Mais je t’écrirai d’ici à quelques jours pour parler un peu de toi, de moi, de Charles, de nous, de tous ; car tout ceci  [ne roule] que sur cet éternel argent. J’ai bien de la besog[ne, ce]tte fièvre m’a mis en arrière sur tout. Ce diable de tableau me pèse sur les épaules car il faut pourtant que je le finisse5. Il y a des siècles que la cousine est payée et partie pour son trou d’Altkirch6. Et ta médecine ? Va t-elle bien ? Je fais autant de voeux pour qu’elle te réussisse, que je la trouve singulière et peu engageante7.

Adieu donc ma chère soeur : je ne suis pas si chien que tu dis. Je t’embrasse tendrement ainsi que mon beau-frère.

Eugène Delacroix

Tu n’es pas la seule que je néglige malgré moi. Je n’ai pu encore trouver un moment pour aller faire au cousin Jacob la visite de digestion de son dîner de l’année dernière avant les vacances.


1 Travailler la laine, le crin contenu dans un matelas à l’aide de cardes, de manière à lui redonner son épaisseur primitive (Trésor de la Langue Française informatisé).
2 Cardeur auprès de qui Delacroix cherche durant l’été 1821 à se procurer des cardes pour sa sœur Henriette.
3 Voiturier qui assurait le transport public des marchandises (Trésor de la Langue Française informatisé).
4 Les soeurs O’Fareill, sous-locataires au 114, rue de l’Université.
5 Il s’agit vraisemblablement de La Vierge du Sacré-Coeur, aujourd’hui conservée dans la cathédrale d’Ajaccio (Corse-du-Sud).Voir aussi les lettres du 28 juillet 1820, 12 août 1820, 25 janvier 1821, 14 avril 1821, 8 décembre 1821 et 16 janvier 1822.
6 Commune située actuellement dans le département du Haut-Rhin en Alsace.
7 Delacroix fait probablement référence aux cures de M. Leroy (voir la lettre du 14 avril 1821).

Transcription originale

Page 1

à Madame
Madame Verninac
Poste restante
À Mansle.
Charente.

Page 2

18 juin 1821.

Je t’aurais repondu plutot, ma chere soeur
si je n’eusse desiré t’envoyer parler [un mot interlinéaire] en meme temps de
differentes choses dont il a fallu s’informer. D’abord
des machines à carder les matelas. j’ai cherché
Lemesle que je n’ai pu jusqu’ici deterrer. La portiere
de la maison conseil un cardeur qui pourra faire
Cette affaire si. J’espere pourtant encore trouver l’autre.
Dans tous les Cas tu auras tes instruments d’ici à
deux ou trois jours ; (J’entends qu’ils seront mis aux
Roulliers comme tu le demandes. je voulais
aussi repondre à mon beau-frere, au sujet de Milcent
le peintre de la maison. Tu scais qu’on n’obtient
pas facilement de l’oncle Pascot tout ce qu’on lui
demande. j’ai enfin Visité avec lui les papiers
et quittances relatif aux ouvriers. il Le memoire
arreté de Milcent se monte a 133 # 10 c, sur lesquels
mon oncle lui a payé en Janvier 1820 et de

Page 3

de ses propres deniers 33#. seulement. De sorte que
depuis ce temps il lui est du encore 100 fr. Le Lycée
est aussi venu me poursuivre. Mon beaufrere
m’avait ecrit dans le temps que je t’en parlai, qu’il
enverrait directement au Lycée ce qui etait du.
Ils sont fort contrariés et m’ont fort deplu. il
m’a fallu invente je ne scai quelle excuse ; mais qui
ne les a pas renvoyés Contents. Pense à cela je te prie.
ne me reproche pas davoir retenu si longtemps l’argent
de ta rente. Sans cela je n’aurais pu, lorsque mon beau-
-frere me demanda l’expedition du jugement deposer les
30 fr. exigés ; par consequent il aurait beaucoup attendu.
je n’avais pas 6 # à ma disposition dans ce temps. Les
drogues qu’il m’a fallu continuer m’avaient fort embarrassés
heureusement je ne me sens plus de rien. Mon chapeau
ne s’est pas gueri comme moi. il s’obstine à devenir de
plus en plus crasseux et il menace d’une gouttiere audessus
de l’oeil droit. je te serais bien obligé de soigner prompte-
-ment Cet article. – quand au jugement tu a pu voir
par la Copie qu’il n’avait couté que 21# 10 c. ce qui
fait qu’on m’a rendu le surplus de ce que j’avais deposé.

Page 4

je crois t’avoir envoyé aussi en temps et lieu ou a peuprès
de La note des depenses que les anglaises ont faites avec
le fumiste ; Depenses que je trouvai fort singulieres, fort
exhorbitantes et dont je leur fis par ecrit des plaintes.
Cependant comme mon oncle leur avait promis que les depenses
seraient partagées, n’oublie pas de porter le surplus de 44 #
le total est de 88 #[trois mots interlinéaires] dans l’envoi relatif au Loyer. Il y a deja deux trimestres que
nous remettons à solder ce compte avec elles et elles m’ont
demandé que ce fut à celui ci. – que de choses je te dis là ;
et je suis loin d’avoir fini. Mais je t’ecrirai d’ici
à quelques jours pour parler un peu de toi, de moi,
de Charles, de nous, de tous ; car tout ceci  [mot illisible]
que sur cet eternel argent. J’ai bien de la besog[ne ce]tte
fievre m’a mis en arriere sur tout. Ce diable de tableau
me pèse sur les epaules car il faut pourtant que je [un mot interlinéaire] le
finisse. – Il y a des siecles que  la Cousine est payée et
partie pour son trou d’altkirk. et ta medecine ?
va t elle bien. je fait autant de voeux pour qu’elle te
reussisse, que je la trouve singuliere et peu engageante.
adieu donc ma chere soeur : je ne suis pas si chien que
tu dis. je t’embrasse tendrement ainsi que mon beau

frere.

E. Delacroix

tu n’es pas la seule que je neglige malgré moi. je n’ai pu encore trouver
un moment pour aller faire au Cousin Jacob la visite de digestion de

son diner de l’année dernière
avant les vacances.
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