Lettre à Henriette de Verninac, 12 mars 1821

  • Cote de la lettre ED-IN-1821-MAR-12-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Henriette de VERNINAC
  • Date 12 Mars 1821
  • Lieux de conservation Paris, bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet
  • Éditions précédentes Joubin, Correspondance générale, 1936-38
    , t. V, p. 75-77.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 4
  • Présence d’un croquis Non
  • Dimension en cm 23,8x37,6
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque Ms. 241 pièce 28
  • Données matérielles Manque dans le feuillet droit
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Transcription modernisée

[15 mars]

à Madame Verninac
Poste restante
à Mansle, Charente.

Le 12 mars 1821.

Ma chère sœur,

La personne qui s’est présentée pour la location du premier est décidée à exiger les deux pièces du second et à ne donner du tout que 1400 francs1. Comme je l’avais sondé avant de rien dire aux Anglaises2, j’ai cru devoir sur cette offre modique retarder ma proposition à ces dernières jusqu’à la réponse que je te prie de me faire à l’instant et définitive. Je t’avais marqué que le monsieur était pressé, ou du moins, je te demandais une prompte réponse, ce qui voulait dire la même chose, et tu ne m’as rien envoyé de positif. Ce monsieur doit, s’il prend notre appartement, donner congé du sien au 1er avril. Tu vois en conséquence qu’il avait besoin de savoir de suite à quoi s’en tenir. Écris-moi donc, si, les anglaises ne consentent point à l’augmentation, il faut lui laisser l’appartement à 1400 francs. Je t’ai dit que j’avais pris sur moi de différer auprès des Anglaises la proposition d’augmentation, parce qu’en cas de refus, tu te trouverais dans la nécessité ou de louer malgré toi à un prix inférieur de ce que tu voudrais, ou de laisser encore l’appartement vacant. Si tu me réponds de suite, j’aurais peut-être le temps de m’arranger encore avec le Monsieur, et la réponse des Anglaises pourra m’être rendue avant le 30. Ce qui n’empêchera pas que je ne tâche encore d’obtenir plus de 1400 francs, s’il est possible ; mais que je sache si je dois le laisser à ce prix dans le cas où je ne pourrais avoir davantage.

J’ai reçu la lettre de change que j’ai porté suivant tes instructions à M. Lacan3. Il m’a compté mes 158 francs, qui ont été employés aux usages désignés. Je n’ai pas oublié de me payer 130 francs, etc. Le Courrier a été renouvelé à partir du 1er mars.

Que de remerciements ne te dois-je pas pour l’aimable pâté et pour le gâteau de Savoie qui était vraiment excellent. L’humidité avait seulement nui à la croûte du pâté pendant la route, mais l’intérieur était exquis. Ce qu’il y a eu de plus charmant, c’est qu’il est arrivé on ne peut plus à propos, c’est-à-dire la veille du dimanche gras, si je ne me trompe. Charles qui est toujours bien portant et qui travaille bien est sorti ces quatre jours et a profité des provisions de la Charente. Tu dois être fort satisfaite de ses progrès. Il a eu des places fort remarquables, surtout si l’on considère qu’il était doublement retardé par sa rentrée un mois et demi après les autres, et par sa faiblesse dans sa classe l’année dernière. Son esprit se forme à l’unisson de son corps et il a par-dessus tout un excellent jugement, la meilleure des qualités.

Heureux mois de mars qui nous amène le printemps ! Les feuilles pointent déjà, grâce à quelques petites pluies. Il y a de temps en temps des journées superbes comme en mai. Voilà le bon temps de la Forêt qui recommence : fleurs, violettes, fraises, feuilles verdoyantes, oiseaux et leurs chansons, tout cela va faire autour de tes yeux et de tes oreilles un concert ravissant de richesse et de joie. Il n’y a que nous, au milieu de tout cela, qui ne soyons plus les mêmes d’une année à l’autre ; mais c’est quelque chose que de jouir toujours du printemps et de la nature avec le même plaisir.

Adieu ma chère sœur ; je jouis à l"idée idée de toutes ces bonnes choses-là. Régale-t-en bien pendant que tu y es. Je t’embrasse ainsi que mon beau-frère.

E. Delacroix


1 Il est ici question de l’hôtel familial du 114, rue de l’Université à Paris. Henriette et Raymond de Verninac, ruinés, étant partis vivre à la Forêt de Boixe, Delacroix s’occupait d’en assurer la sous-location.
2 Les soeurs O’Fareill, sous-locataires au 114, rue de l’Université.
3 Voir la quittance du 8 mars 1821.

Transcription originale

Page 1

15 mars [en haut, au-dessus de l’adresse, dans le sens inverse]

à Madame

Madame Verninac

Poste restante

à Mansle.       

Charente.

Page 2

le 12 mars 1821

Ma chere sœur,

La personne qui s’est presentée pour la location du 1er. est
decidée à exiger les deux pieces du second et à ne donner du tout que
1400 fr. Comme je l’avais sondé avant de rien dire aux Anglaises,
j’ai cru devoir sur cette offre modique retarder ma proposition à
ces dernieres jusqu’à la reponse que je te prie de me faire à l’instant
et definitive. Je t’avais marqué que le monsieur etait pressé ou
du moins je te demandais une prompte reponse ce qui voulait dire
la même chose et tu ne m’as rien envoyé de positif. Ce monsieur
doit, s’il prend notre appartement, donner Congé du sien au 1er.
avril ; tu vois en consequence qu’il avait besoin de savoir de suite
à quoi s’en tenir. Ecris moi donc, si, Les anglaises ne consen-
-tant point à l’augmentation, il faut lui laisser l’appartement à
1400 fr. Je t’ai dit que j’avais pris sur moi de differer auprès
des anglaises la proposition d’augmentation, parceque en cas de refus
tu te trouvais dans la necessité ou de louer malgré toi à un prix
inferieur de ce que tu voudrais, ou de laisser encore l’appartement
vacant. Si tu me reponds de suite, j’aurais peut-etre le temps de

Page 3

de m’arranger encore avec le monsieur, et la reponse
des anglaises pourra m’etre rendue avant le 30. _ Ce
qui n’empechera pas que je ne tache encore d’obtenir [mot barré illisible]
plus de 1400# s’il est possible ; mais que je sache si je
dois le laisser à ce prix dans le cas ou je ne pourrais avoir
davantage.

J’ai reçu la lettre de change que j’ai porté suivant
tes instructions à Mr Lacan. Il m’a compté mes 158#.
qui ont eté employés aux usages désignés. je n’ai pas
oublié de me payer 130fr. &. Le courrier a eté
renouvellé à partir du 1er mars.

Que de remerciements ne te dois je pas pour l’aimable
paté et pour le gâteau de Savoie qui etait vraiment
excellent. L’humidité avait seulement [1 mot barré] nui [mot interlinéaire] à la croute
du paté pendant la route : mais l’interieur etait exquis.
Ce qu’il y a eu de plus charmant C’est qu’il est arrivé on
ne peut plus à propos ; C’est à dire la veille du dimanche
gras si je ne me trompe. Charles qui est toujours
bien portant et qui travaille bien, est sorti ces quatre

Page 4

jours et a profité des propositions provisions de la charente.
tu dois être fort satisfaite de ses progrès. Il a eu des places
fort remarquables : surtout si l’on considere qu’il etait doublement
retardé par sa rentrée un mois et demi après les autres et
par sa faiblesse dans sa classe l’année derniere. Son esprit
se forme à l’unisson de son corps et il a pardessus tout un
excellent jugement la meilleure des qualités.

Heureux mois de mars qui nous amène le printemps ! Les
feuill[es] pointent deja, grâces à quelques petites pluies. Il y a
de temps en temps des journées superbes comme en mai.
Voila le bontemps de la foret qui recommence : fleurs
violettes, fraises, feuilles verdoyantes, oiseaux et leurs chansons,
tout cela va faire autour de tes yeux et des Oreilles un
Concert ravissant de richesse et de joie. Il n’y a que nous
au milieu de tout cela qui ne soyons plus les mêmes d’une
année à l’autre ; mais c’est quelque chose que de jouir toujours
du printemps et de la nature avec le meme plaisir.

Adieu ma chere sœur ; je jouis en idée de toutes ces bonnes
choses là. regale t’en bien pendant que tu y es. je t’embrasse
ainsi que mon Beau frère.

E. delacroix

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