Lettre à Gustave Lassalle-Bordes, 8 février 1850

  • Cote de la lettre ED-IN-1850-FEV-08-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Gustave LASSALLE-BORDES
  • Date 08 Février 1850
  • Lieux de conservation Paris, bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet
  • Éditions précédentes Burty, 1878
    , t. II, p. 34. Joubin, Corr. gén, t. III, p. 7-8.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 2
  • Présence d’un croquis Non
  • Dimension en cm 24,4x17,6
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque Ms. 245 sans cotation (entre les pièces 15 et 16)
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Transcription modernisée

Je soussigné, Eugène Delacroix, peintre d’histoire, officier de la Légion d’honneur, déclare que par suite de la grave indisposition de M. Lassalle-Bordes, également peintre d’histoire et autrefois mon élève, je me suis trouvé dans le plus grand embarras au sujet des travaux dont j’étais chargé par divers particuliers, par le gouvernement et par la ville de Paris. L’habitude que j’ai de son concours dans ces sortes d’entreprises me rendait doublement préjudiciable son absence, dans le moment où son aide m’était le plus nécessaire. Quoique justement indigné et attristé de l’accident dont il venait d’être victime, il m’a fallu, pour remplir mes engagements et m’éviter des pertes considérables, employer une autre personne dans ces travaux que l’assistance de M. Lassalle m’aurait incomparablement facilités. Il suivra, de cette nécessité où je me suis trouvé, que ces divers ouvrages devront être continués par la même main, et que M. Lassalle aura été privé durant six mois de la somme de 500 F par mois qu’il eût reçu de moi pour ses honoraires, parce qu’il en sera de même jusqu’à la fin de mes travaux en voie d’exécution.

Cette perte est loin d’être la seule qu’il aura à subir dans ses intérêts. M. Lassalle était chargé par le gouvernement d’un tableau d’histoire1 pour la somme de 6 000 F. Ce travail ne pouvant être terminé assez tôt pour figurer à l’exposition prochaine le privera infailliblement pour cette année du bénéfice d’une autre commande plus importante et le remet indéfiniment. Les expositions sont en quelque sorte le champ de bataille des artistes : y manquer, c’est perdre beaucoup ; c’est là que leur réputation est destinée à grandir et que les récompenses sont distribuées. La médaille d’or que M. Lassalle avait déjà reçue à une exposition précédente2 aurait été, selon toute probabilité, suivie d’une nouvelle médaille cette année, si l’on considère le mérite du tableau qu’il destinait au Salon. J’ai été d’autant plus affecté de ce cruel retard, et de l’accident qui en était [la] cause, que M. Lassalle-Bordes se trouve par son talent l’unique soutien de sa famille. Ces considérations que je me fais un devoir d’exposer ici auront, j’espère, aux yeux des juges toute l’importance que j’y attache et que j’ai à cœur de voir accueillir avec la faveur que méritent son talent et son caractère.

Signé

Eugène Delacroix

rue Notre-Dame de Lorette 58 à Paris

Ce 8 février 1850.

 

Il y a deux corrections soulignées sur l’autre côté de la feuille : j’ai dit que M. Lassalle sera privé durant six mois au moins de la somme de cent cinquante francs par mois.

Eugène Delacroix

[Certificat du commissaire de la Chaussée d’Antin, M. Blavier]

[Cachet de la préfecture de police]

[8 Février 1850, Certificat de M. Delacroix peintre d’histoire à Paris, officier de la légion d’honneur, constatant les pertes d’argent énormes que l’accident a occasioné à Mr Lassalle Bordes.]


1 Le Martyre des sept frères Macchabées (Lassalle-Bordes le nomme La Mort des Macchabées), figurant finalement au Salon de 1850 et acheté par l’Etat. Le tableau est aujourd’hui conservé dans l’église Saint-Raymond d’Audierne (Finistère).
2 Pour la Mort de Cléopâtre (Autun, musée Rolin) exposée au Salon de 1846.

Transcription originale

Page 1

Je soussigné Eugene Delacroix peintre d’histoire.
Officier de la légion d’honneur, declare que par suite
de la grave indisposition de Mr. Lassale Bordes
egalement peintre d’histoire et autrefois mon eleve,
je me suis trouvé dans le plus grand embarras au
sujet des travaux dont j’etais chargé par divers parti-

-culiers, par le gouvernement et par la ville de Paris. L’habitude
que j’ai de son concours dans ces sortes d’entreprises me rendait
doublement prejudiciable son absence dans le moment où son
aide m’etait le plus nécessaire. Quoique justement indigné et attristé

de l’accident dont il venait d’etre victime, il
m’a fallu pour remplir mes engagements et m’eviter
des pertes considerables employer une autre personne
dans ces travaux [mot barré illisible] que [mot interlinéaire] l’assistance de Mr Lassale m’aurait

incomparablement facilité. Il suivra de cette nécéssité où
je me suis trouvé que ces divers ouvrages devront être continués
par la même main et que Mr Lasalle aura été privé [mot barré illisible] durant [mot interlinéaire]
six mois de la somme de 500 # par mois qu’il eut reçu de
moi pour ses honoraires [mot barré illisible] parce [mot interlinéaire] qu’il en sera de même jusqu’a
la fin de mes travaux en voie d’execution.

Cette perte est loin d’etre la seule qu’il aura a subir
dans ses interets. Mr Lassale etait chargé par le gouverne-
-ment d’un tableau d’histoire pour la somme de 6000 #. Ce
travail ne pouvant être terminé assez tôt pour figurer à
l’exposition prochaine, le privera infailliblement pour cette
année du bénefice d’une autre commande plus importante
et le remet indéfiniment. Les expositions sont en quelque
sorte, le champ de bataille des artistes : y manquer c’est
perdre beaucoup : c’est là que leur réputation est destinée
à grandir et que les récompenses sont distribuées. La médaille
d’or que Mr Lassale avait deja reçue à une exposition
précedente aurait eté, selon toute probabilité, suivie d’une
nouvelle médaille cette année, si l’on considere le merite du
tableau qu’il destinait au Salon. J’ai eté d’autant plus affecté
de ce cruel retard et de l’accident qui en etait cause, que

Page 2

Mr Lassale Bordes se trouve par son talent l’unique
soutien de sa famille. Ces considerations que je me fais un
devoir d’exposer ici, auront j’espere aux yeux des juges,
toute l’importance que j’y attache et que j’ai à cœur de
voir accueillir avec la faveur que méritent son talent
et son caractere.

Signé
EugDelacroix
rue N. D. de Lorette 58 à Paris

Ce 8 février 1850.

 

il y a deux corrections soulignées sur l’autre côté de la feuille :
j’ai dit que Mr Lassale sera privé durant six mois au moins
de la somme de cinq cents francs par mois.

EugDelacroix

 

[Certificat du commissaire de la Chaussée d’Antin, M. Blavier]

[Cachet de la préfecture de police]

[8 Février 1850, Certificat de M. Delacroix peintre d’histoire à Paris, officier de la légion d’honneur, constatant les pertes d’argent énormes que l’accident a occasioné à Mr Lassalle Bordes.]

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