Lettre à Gustave Lassalle-Bordes, 22 janvier 1850

  • Cote de la lettre ED-IN-1850-JAN-22-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Gustave LASSALLE-BORDES
  • Date 22 Janvier 1850
  • Lieux de conservation Paris, bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet
  • Éditions précédentes Burty, 1878
    , t. II, p. 34. Joubin, Corr. gén, t. III, p. 6-7.
  • Enveloppe Oui
  • Nombre de pages écrites 6
  • Présence d’un croquis Non
  • Dimension en cm 24,4x17,6
  • Cachet de cire Oui
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque Ms. 245 pièce 15
  • Cachet de la poste [1er cachet, partiellement illisible] Paris // 22 janv 1850 ; [2e cachet] Après le départ ; [3e cachet, partiellement illisible] Valence-s-Baïse // 27 janv. 1850.
  • Données matérielles Pliée
  • Œuvre concernée Chapelle des Saints-Anges, église de Saint-Sulpice
    Saint Michel terrassant le démon
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Transcription modernisée

Monsieur Lassalle-Bordes
A Bézolles
Canton de Valence de Condom
Gers

Paris 22 janvier
1850

Mon cher Lassalle,

J’ai remis de jour en jour [la] répon[se] à votre bonne lettre, dont je vous remercie bien, parce que j’étais précisément en train de me décider sur les sujets de mes peintures à Saint-Sulpice ; oui, mon cher ami, j’en suis encore là ; cependant je suis à peu près fixé comme vous allez voir. Voici d’abord ce qui m’est arrivé. La chapelle était celle des fonts baptismaux ; les sujets allaient d’eux-mêmes, baptême, péché originel, expiation. Or [Donc], je fais agréer mes sujets par le curé et je compose mes tableaux. Au bout de trois mois, je reçois une lettre à la campagne qui m’apprend que la chapelle des fonts se trouve sous le porche de l’église au lieu d’être dans celle que je devais peindre ; c’est cette erreur, que vous trouverez comme moi peu pardonnable, qui me tient en suspens depuis le mois de septembre, ni plus ni moins. La juste colère que j’ai ressentie m’a cassé bras et jambes ; j’avais beau faire, je ne pouvais me décider à m’occuper de cela. Enfin, comme il faut que tout finisse, je crois que nous consacrerons définitivement la chapelle aux Saints Anges. Il y a des sujets qui [s’y] prêtent. J’hésite encore entre plusieurs, quoique je les aie à peu près tous composés. Le plafond sera L’Ange Michel terrassant le démon, etc. Vous arriverez donc tout à fait à temps, mon cher Lassalle, et j’espère que ce printemps nous avancerons cette besogne.

Parlons de vous à présent. Vous ne doutez pas de la part que j’ai prise à votre accident ; votre Bezolles1 a du malheur. Croiriez-vous que je ne peux encore me rappeler votre adresse et que je vais vous la mettre comme autrefois. Si du moins vous aviez eu contre votre homme une bonne condamnation2, vous n’auriez pas éprouvé la rude contrariété qui vous a rejeté dans une nouvelle indisposition. J’espère que dans votre appel, ma lettre3 pourra vous servir : les juges n’ont pas besoin de savoir les retards que j’éprouve et votre incapacité de travail pendant si longtemps sera une raison de les déterminer à châtier vigoureusement votre adversaire. Si vous le trouvez convenable, je vous en écrirai une seconde pour la justice. Profitez donc pour [bien vous] soigner encore du temps que vous allez passer chez vous et recevez, en attendant le plaisir de vous revoir, l’assurance de mon attachement bien sincère et bien dévoué.

Eugène Delacroix

Vous avez vu sans doute que j’ai couru les chances de l’Institut. Il y a encore du chemin à faire. Couder a été très bon enfant pour moi : j’ai été droit à lui, il me plait beaucoup. Nous causerons de tout cela.


1 Lieu de résidence de Lassalle-Bordes, dans le Gers.
2 Lassalle-Bordes fut gravement mordu par un chien de montagne encouragé par son maître (voir la lettre du 16 novembre 1849)
3 Voir le mémoire joint à cette lettre et daté du 8 février 1850

Transcription originale

Page 1

Monsieur Lassalle-Bordes
à Bézolles
Canton de Valence de Condom
Gers

Page 2

Page 3

Paris 22 janvier
1850.

Mon cher Lassale,

J’ai remis de jour en jour à répondre
a votre bonne lettre dont je vous remercie
bien, parceque j’etais précisement en train
de me decider sur les sujets de mes peintures
à St Sulpice : oui, mon cher ami, j’en
suis encore là : cependant je suis a peu
-près fixé comme vous allez voir. Voici
d’abord ce qui m’est arrive : La chapelle
etait celle des fonts baptismaux : Les
sujets allaient d’eux mêmes : baptême
peché originel, expiation. Or je fais
agreer mes sujets par le Curé et je
compose mes tableaux. Au bout de trois
mois je reçois une lettre à la campagne
qui m’apprend que la chapelle des fonts
se trouve sous le porche de l’eglise au lieu
d’etre dans celle que je devais peindre :

Page 4

C’est cette erreur, que vous trouverez
comme moi peu pardonnable qui
me tient en suspens depuis le mois
de 7bre ni plus ni moins. La juste
colère que j’ai ressentie m’a cassé
bras et jambes : j’avais beau faire
je ne pouvais me decider à m’occuper
de cela. Enfin comme il faut que
tout finisse, je crois que nous consacre-
-rons definitivement la chapelle aux
SSts Anges. Il y a des sujets qui prêtent
J’hesite encore entre plusieurs quoique
je les ai apeuprès tous composés. Le
plafond sera l’ange Michel terrassant
le demon
. etc. Vous arriverez donc
tout-a-fait à temps mon cher Lassale,
et j’espère que ce printemps nous avan-
-cerons cette besogne.

Parlons de vous a present. Vous
ne doutez pas de la part que j’ai prise

Page 5

à votre accident : votre Bezolle a du
malheur : Croiriez vous que je ne peux
encore me rappeler votre adresse et
que je vais vous la mettre comme autre-
-fois. Si du moins vous aviez eu contre
votre homme une bonne condamnation
vous n’auriez pas eprouvé la rude
contrarieté qui vous a rejetté dans
une nouvelle indisposition. J’espère
que dans votre appel, ma lettre pourra
vous servir : Les juges n’ont pas besoin
de savoir les retards que j’éprouve et
votre incapacité de travail pendant
si longtemps sera une raison de les
determiner à chatier vigoureusement
votre adversaire. Si vous la trouvez
convenable je vous en ecrirai une
seconde pour la justice. Profitez donc
pour vous bien soigner encore du temps
que vous allez passer chez vous et recevez
en attendant le plaisir de vous revoir

Page 6

l’assurance de mon attachement
bien sincère et bien devoué.

EugDelacroix —

Vous avez vu sans doute que
j’ai couru les chances de l’institut.
Il y a encore du chemin à faire.
Couder a eté très bon enfant pour
moi : j’ai eté droit à lui. il me
plait beaucoup. Nous causerons
de tout cela.

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